L’élection de François Hollande donna lieu à une
comparaison : celle de mai 1981. Ainsi, François Hollande serait le
deuxième Président dit « socialiste » de la Ve République ; le
conditionnel est de rigueur : il n’en n’est rien.
La question est : François Hollande, ce nouveau Mitterrand ? Si ce
premier est aussi socialiste en économie que le dernier, les libéraux
n’ont rien à craindre. François Mitterrand symbole du socialisme
économique, c’est Karl Marx symbole du capitalisme. Élu en 1981,
Mitterrand tentera d’être socialiste jusqu’en 1983 : l’année de son
élection verra une augmentation massive du SMIC (10 %), des allocations
familiales et logement (25 %) et handicapés (20 %) tandis que le 13
février 1982, une loi de nationalisation est votée. L’échec de cette
politique keynésienne, non contente de creuser les déficits, forcera
Mitterrand à engager le célèbre « virage de la rigueur » dès 1983 sous
un troisième Gouvernement Pierre Mauroy. En 1984, la crise sidérurgique
dans le nord de la France verra la fermeture ou reconversion des
anciennes mines de charbon : le monde ouvrier sous le choc permettra la
première percée du Front National, notamment aux élections européennes.
La période sera un désastre économique : Mitterrand dévaluera le franc
en 1981, 1982 et 1983, les salaires ne seront plus indexés sur
l’inflation dès 1982. Des réformes sociales sont cependant adoptées : la
peine de mort est abolie, une loi d’amnistie sur les « délits homosexuels » est votée, de même que la semaine de 39 heures, la 5e semaine de congés payés et la retraite à 60 ans.
De 1984 à 1986, le gouvernement Fabius rentre en scène et permettra
l’adoption de l’Acte Unique Européen, symbole ultime du socialisme !
Laurent Fabius bricolera d’ailleurs une loi sur les grandes fortunes,
les exonérant fiscalement pour la détention d’œuvres d’arts et
d’antiquité, notamment pour favoriser sa famille et son père André, détenteur de la plus grande collection de tableaux de Georges de la Tour.
La France connait alors sa première cohabitation : de 1986 à 1988, ce
sera Jacques Chirac de prendre les choses en mains : la loi supprimant
l’autorisation administrative de licenciement est promulguée, les
banques et entreprises publiques sont privatisées et l’ordonnance du
1er décembre 1986 instaurera la liberté des prix et de la concurrence.
Durant son deuxième septennat, François Mitterrand confiera le
Gouvernement à Michel Rocard de 1988 jusqu’en 1991 : la suppression du
contrôle des changes et la signature de la Convention Schengen (très
socialiste elle aussi) sont au programme.
Le Gouvernement Cresson (1991-1992) viendra rajouter une pierre à
l’édifice européen avec la signature du Traité de Maastricht ; sur le
plan de la communication politique en revanche, l’image d’une femme
Premier Ministre est désastreuse : Edith Cresson cumule les bourdes, la
presse se régale. Lui succèdera un bref Gouvernement Bérégovoy
(1992-1993) avant que ce dernier ne se suicide, éclaboussé par un
scandale de corruption, et ne laisse sa place à Balladur pour une
deuxième cohabitation jusqu’en 1995, date à laquelle l’ancien Ministre
Jacques Chirac est élu.
Au total, sur deux septennats, la France cumule sept Gouvernements,
deux cohabitations et… Un mort. Joli record ! Si François Mitterrand
introduisit des réformes sociales en début de mandat, il n’en possède
pas moins le monopole : à l’exception des revendication issues du Front
Populaire de 1934, la droite française a voté TOUTES les réformes
sociales jusqu’à aujourd’hui. Si François Hollande se dit aujourd’hui de
son héritage, la droite comme le monde n’a aucun soucis à se faire, à
la différence de ses électeurs, futurs premiers déçus. La finance non
plus n’a rien à craindre, Hollande a lui même affirmé aux journaux
anglo-saxons « La gauche a été au gouvernement pendant quinze ans au
cours desquels nous avons libéralisé l’économie, ouvert les marchés à la
finance et aux privatisations. Il n’y a rien à craindre ». Quelle belle
dualité de discours…
En définitive, ce qui changera ces cinq prochaines années, ce sera la
politique, non l’économie : la droite conservatrice s’opposera à une
gauche dite « libertaire ». Le candidat « socialiste », s’il l’est
autant que le fut Mitterrand, ne pourra rien faire en économie : les
règles ont changés depuis les années 1980. L’Europe s’est construite et
les marchés financiers responsabilisent les États ; la mondialisation
(détestée à tort, elle est la meilleure chose qui soit arrivée à
l’Humanité ce dernier siècle), possède ses règles.
Mieux : les citoyens ont une arme redoutable dans les mains grâce à
Nicolas Sarkozy, la Question Prioritaire de Constitutionnalité. Le
matraquage fiscal proposé par le PS est sans conteste une atteinte
délibérée à la propriété : le Conseil Constitutionnel sera le pire
ennemi du Gouvernement sur cette question. François Hollande n’est pas
socialiste en économie et ne le sera jamais : l’échec cuisant de cette
doctrine en Europe aurait dû démontrer aux français l’irréalisme et la
démagogie du programme qu’il leur proposait. Il est d’ailleurs fort
risible de voir que l’Histoire se répète : la crise ouvrière de 1982
verra la percée du FN, les délocalisations (jugées à tort dévastatrices)
engagées bien avant 2007 verront Marine Le Pen gratifiée d’un score
d’environ 18% au 1er tour. Au regard du monde actuel, il est aisé
d’affirmer qu’Hollande ne pourra pas être socialiste ; au regard de
l’Histoire, on peut même affirmer ce qui se passera le cas échéant :
nous revivrons « le virage de la rigueur ».
mercredi 16 mai 2012
Mitterrand n’était pas socialiste en économie, Hollande ne le sera pas non plus
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