TOUT EST DIT

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vendredi 4 mai 2012

La gauche : un peuple sans idéologie

À Athènes au temps de Solon, à Rome au temps des Gracques, les pauvres s’opposaient aux riches pour le partage des terres et des richesses sans qu’on y parlât de gauche et de droite.
La gauche moderne est née avec la philosophie des Lumières et la Révolution française. A la défense du peuple contre les grands, elle a associé l’idée de progrès : un projet que l’on appellera utopique ou idéologique de transformation de la condition humaine. Le XXe siècle a montré à quelles extrémités pouvait conduire un tel projet dans ses formes les plus radicales. On peut dire en simplifiant qu’aujourd’hui, le mondialisme a tellement affaibli les classes populaires que la gauche, vidée de son antique contenu social, n’est plus qu’idéologique. Autrefois, le peuple sans l’idéologie, hier l’idéologie et le peuple, aujourd’hui, l’idéologie sans le peuple !
Et comme l’idéologie est intrinsèquement stérile, c’est pourquoi on cherche en vain dans l’action de la gauche depuis vingt ou trente ans, un impact positif sur la situation des Français.
A la rigueur pourrait-on sauver de ce bilan calamiteux une institution comme le RMI, malgré le désordre de sa mise en œuvre. Répartir dans toutes les communes des grandes métropoles les logements sociaux peut être aussi, à notre sens, tenu pour utile, même si le meilleur moyen d’empêcher les ghettos est d’abord d’assurer la sécurité.
Mais le bilan général est négatif. Disons-le clairement : on trouve, comme nous l’avons montré en introduction, dans la plupart des griefs qui sont aujourd’hui ceux des Français vis-à-vis de leurs gouvernants, une décision prise ou inspirée par la gauche (et souvent continuée passivement par la droite)
À l’origine de ce désastre politique, cette immense révolution que constitue la mondialisation : mettant en concurrence tous les systèmes sociaux du monde, elle conduit tout naturellement à privilégier le "moins disant" social ou fiscal et à rendre presque impossible, dans un pays donné, tout projet social un peu consistant. Si ce pays veut, malgré tout, maintenir, sans protection aux frontières, un certain nombre d’acquis sociaux, comme c’est aujourd’hui le cas de la France - et de la plus grande partie de l’Europe - il assistera au dépérissement inexorable de son tissu industriel ou agricole. S’il s’avise en plus de maintenir des minima sociaux (et quoi de plus légitime ?), il le paye d’un volant de chômage plus ou moins important : c’est le choix, que, de facto, la France a fait depuis vingt ans. Ceux qui dénoncent la "préférence française pour le chômage" ne disent pas autre chose : une dénonciation bien mal venue cependant quand elle émane d’une gauche européiste et mondialiste de type rocardien !
A la rigueur, un pays donné pourrait-il compenser des choix sociaux avancés en jouant sur la variable monétaire : plus social, moins compétitif mais avec une monnaie plus faible, il pourrait encore s’en sortir. Or, comme pour aggraver leur cas, le pays de la zone euro se sont privés de cette arme.
La mondialisation, c’est-à-dire la libre circulation des marchandises, mais aussi des capitaux et de la main d’œuvre agit comme un vaste système de vases communicants des inégalités sociales. Comment le travail, nécessairement plus statique, résisterait-il aux pressions d’un capital désormais entièrement mobile ? Le magnat américain Warren Buffet n’a pas tort de dire que, grâce à la mondialisation, la lutte des classes a trouvé son aboutissement et que c’est le capital qui a gagné la bataille : grâce à elle, la finance a écrasé la classe ouvrière, dont le pouvoir d’achat stagne depuis bientôt vingt ans, quand il ne régresse pas,  alors que la valeur des patrimoines explose.
Mais qui ne voit que cette évolution, éminemment défavorable aux salariés de tous pays - et à fortiori à ceux qui n’ont pas de travail - trouve son fondement dans une idéologie progressiste ? Le moteur fondamental de la mondialisation, dont les instruments (GATT, FMI, Marché commun, etc.) se sont mis en place après la guerre, fut la réaction à toutes les formes de protectionnisme de la période précédente que, de manière hâtive, on avait assimilé au nationalisme et au fascisme, aujourd’hui au "populisme". Au fondement du mondialisme, se trouve l’hostilité au fait national, dénoncé comme un danger de guerre, mais dont on craint surtout qu’il amène des droits de douane, le contrôle des changes ou des entraves à la libre circulation des capitaux. Cette hostilité  s’est radicalisée à partir des années quatre-vingt, au fur et à mesure que tombaient les dernières barrières héritées de l’ancien monde. Droit de douane égale autarcie égale camp de concentration : telle est l’équation inavouée de la nouvelle gauche  mondialiste. La volonté, pourtant légitime, de contrôler les flux migratoires est assimilée au racisme. L’antiracisme, devenu, dit Alain Finkielkraut, le marxisme de notre temps et généralement plus haineux que ce qu’il dénonce, est aussi au cœur de l’idéologie mondialiste. Il tend en réalité à préserver la liberté de circulation des travailleurs de tous pays et donc leur concurrence pour le plus grand bénéfice des employeurs. Un banquier américain dénonçait il y a quelque temps à la tribune de Davos le retour du "populisme" : qu’entendait-il par-là ? Rien d’autre que volonté de réglementer le système bancaire, une réglementation qui naturellement ne pouvait être que nationale. Dans ce nouveau contexte, se dire milliardaire et de gauche – de gauche, non point pour le partage de la richesse, cela va de soi, mais sur les questions de société, l’ouverture des frontières ou la défense de l’environnement - n’est plus un oxymore, c’est la meilleure posture que puisse prendre aujourd’hui un milliardaire un peu dégourdi, surtout s’il a compris que la tranche d’impôts à 75 % proposée par François Hollande n’était qu’un effet d’annonce. Le think tank Terra nova qui se veut la pointe avancée de la recherche stratégique du parti socialiste (et qui est financé par plusieurs multinationales américaines) préconise que ce parti largue une bonne fois pour toutes la classe ouvrière, vouée, dit-il, au lepénisme, pour se tourner résolument vers les nouvelles couches urbaines : jeunes diplômés, cadres émancipés, bref la France "bobo". 
Ainsi, le Parti socialiste n’est plus celui de la classe ouvrière, ni même celui des fonctionnaires, mais celui de la partie la plus irresponsable de la bourgeoisie.

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