TOUT EST DIT

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mercredi 2 mai 2012

Hollande / Sarkozy : le match des copinages médiatiques

La presse peut-elle faire une élection ? Alors que les relations de Nicolas Sarkozy avec les propriétaires de groupes de presse ont souvent été montrées du doigt, qu'en est-il des liens entre François Hollande et les médias ? 

Nicolas Sarkozy va perdre l’élection notamment parce qu’il a perdu la guerre de l’image. Dans l’esprit de bien des Français, il est aujourd’hui « le bad boy, le bling-bling, l’ami des riches et des puissants, en particulier des patrons des médias : Lagardère, Bouygues, Dassault…»  Bref, il est le Berlusconi français qui menace la liberté d’information. Raison supplémentaire, s’il en fallait une, de voter François Hollande, garant lui de la liberté des médias. On l’a dit aux Français, on leur a répété, et même matraqué ce message. Il est donc finalement ancré dans les esprits. C’était bien là l’objectif de tant de journalistes pour qui la priorité n’est plus d’informer sur la réalité, ou d’initier des débats contradictoires, mais de contribuer avant toute chose à battre Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy proche des médias, et pas François Hollande ? Simplement inexact si on regarde les faits. Oui, Nicolas Sarkozy est plus proche de Serge Dassault et du Figaro que François Hollande, rien de nouveau sous le soleil de ce côté-là.  Martin Bouygues ?  L’essentiel de la présence de son groupe dans les médias se résume à TF1, vendue en 1986 par François Mitterrand. Rien de nouveau là non plus. Arnaud Lagardère ? Il s’est récemment désengagé du groupe Le Monde, et n’est même plus le principal actionnaire de son propre groupe, désormais davantage entre les mains d’investisseurs du Qatar.
Mais la réalité est que le quinquennat de Nicolas Sarkozy aura été marqué par 3 évolutions majeures en matière de presse, qui toutes témoignent d’une collusion croissante entre dirigeants des principaux médias et la garde rapprochée du candidat Hollande :
- Premièrement, le principal quotidien d’information, Le Monde, a été vendu à un trio présenté comme « indépendant », composé d’un milliardaire, du mécène privé de la précédente candidate socialiste aux élections présidentielles (Pierre Bergé) et de Matthieu Pigasse patron d’une des plus puissantes banques d’affaires, membre du PS, ancien conseiller technique du cabinet de DSK et ancien directeur adjoint du cabinet de Laurent Fabius au Ministère des Finances. Pour réussir son opération de prise de contrôle de ce journal, Matthieu Pigasse a été soutenu par Louis Schweitzer, qui en était alors président du conseil de Surveillance, lui aussi ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius à Matignon, patron le plus payé de France en 2006 selon le classement de Capital.  Socialiste, patron et « cupide », selon le propre mot de Sophie Coignard dans « L’oligarchie des incapables » ? Mais, non, puisqu’on vous dit que c’est le monopole de Sarkozy, voyons… 
Un parti pris médiatique qui permet au candidat Hollande de déjeuner en toute quiétude,  en pleine campagne présidentielle, avec Pierre Bergé, autre co-propriétaire du Monde, chez Laurent, l’un des restaurants les plus chers de Paris, sans que la presse bien-pensante s’en émeuve, toute occupée à ressasser ad nauseam son indignation de l’épisode Fouquet’s de Sarkozy, président coupable depuis cinq ans, à ses yeux, de « croire être arrivé, alors qu’il n’est en fait que parvenu », pour reprendre un mot de Jacques Séguéla.
A noter que ce même Matthieu Pigasse, qui ne cache pas vouloir faire une carrière politique au plus haut niveau, est dans le même quinquennat devenu le patron propriétaire de l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, dont la nouvelle formule fut lancée en 2010 en présence de Laurent Fabius. Ce journal « indépendant », organisateur du concert place de La Bastille, anniversaire des 30 ans d’élection de François Mitterrand, révèle comme par hasard dans ses colonnes cette semaine, juste avant le second tour, un "deal secret" Sarkozy-Kadhafi qui daterait de 2007. On comprend qu’avec de tels proches déjà en place, plus la bénédiction de rédactions politiquement homogènes où il est le plus souvent inavouable de préférer voter Sarkozy à Hollande, François Hollande puisse se dispenser de toute intervention personnelle.
- Deuxièmement, dans le même temps, un autre énarque, également ancien conseiller du Ministre socialiste des Finances, et ancienne plume de Laurent Fabius, Denis Olivennes, a pris la direction du Nouvel Observateur pendant près de 3 ans, avant de partir prendre l’actuelle direction du pôle Médias de Lagardère : Europe 1, Paris Match, le JDD, …, après l’échec de sa tentative de rachat du Monde.
Il fut alors remplacé à la tête du Nouvel Observateur par un autre membre comme lui du think tank socialiste « En temps réel » :  le bien connu Laurent Joffrin, directeur pour la troisième fois de cette rédaction qu’il dirigeait déjà en 1988, il y a 23 ans, ce qui relativise le caractère « nouveau » du dit observateur…
- Enfin, Nicolas Sarkozy a inondé la presse de subventions depuis son arrivée au pouvoir, en créant plus de 600 millions de subventions supplémentaires pour une profession déjà gavée de cette « soupe aux sous ».  Il a naïvement cru que sa main serait moins violemment mordue par ceux qu’elle avait grassement nourris. Grave erreur. La détestation dont il fait l’objet dans tant de rédactions de quotidiens et d’hebdomadaires est telle qu’elle exclut toute forme de gratitude. Et la presse est de surcroît confiante d’obtenir au moins autant de cadeaux de François Hollande, à l’image du récent projet de loi adopté par les sénateurs socialistes, qui, au moment où la TVA augmente pour tous les autres français, prévoit d’abaisser celle de la presse Internet de 19,6% à … 2,1%,  pour l’aligner sur celle des privilégiés de la presse papier !
Pour mémoire, François Hollande est l’élu d’une primaire organisée conjointement par son « représentant spécial » Arnaud Montebourg et par le think tank socialiste Terra Nova dont la responsable du groupe Média n’est autre qu’Audrey Pulvar, devenue conjointe de ce probable futur ministre. Terra Nova, principal groupe d’influence socialiste, qui qualifie de « partenaire » le site Médiapart qui lui donne libre accès pour publier ses opinions de lobbyiste, en sa qualité de « rédacteur en chef de l’édition participative », tout comme le quotidien Libération qui lui sous-traite intégralement deux pages « Rebond » chaque mois.
Dans ce contexte, continuer à faire croire que les médias sont proches de Nicolas Sarkozy, mais pas de François Hollande, c’est continuer à prendre les électeurs pour des imbéciles, c'est-à-dire alimenter le terreau des votes d’écœurement. Ce n’est pas un hasard si les deux candidats qui ont le plus sévèrement dénoncé ces rapports incestueux entre médias et pouvoir, gauche et droite confondues, ont fait les deux plus gros scores au premier tour (Front de Gauche et Front National) face aux deux partis dominants traditionnels (PS et UMP). Un message à entendre, au lieu de débattre stérilement de l’éventuel remplacement d’Etienne Mougeotte par Franz-Olivier Giesbert ou un autre, au lendemain de la victoire annoncée de François Hollande.




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