mercredi 2 mai 2012
Haute tension
Nicolas Sarkozy électrise cette fin de campagne plus encore qu'il a
électrisé le quinquennat. Donné perdant par tous les sondages, depuis un
an, il compte que cette stratégie de la tension produira un déclic. À
voir son moral, il dispose manifestement d'éléments qui lui permettent
encore d'y croire, malgré l'avance toujours conséquente de François
Hollande.
Jamais un président sortant n'a accusé un tel retard à la veille d'un
second tour. Jamais un tel écart n'a été comblé en quatre jours. Jamais
un débat n'a changé l'ordre d'arrivée. Pour faire exception, il
faudrait que trois conditions cumulées soient remplies.
Primo, Nicolas Sarkozy a besoin d'une forte participation,
et surtout que les abstentionnistes du premier tour le choisissent
davantage que François Hollande. C'est possible, à condition de les
convaincre que les promesses seront tenues.
Secundo, il faudrait que les trois quarts des électeurs FN
votent pour le président sortant. On en est loin. Il n'est pas certain
que l'entreprise de séduction de Nicolas Sarkozy soit d'une grande
efficacité. Les Français détestent qu'on leur force la main. En ne
donnant pas de consigne et en annonçant, place de l'Opéra, qu'elle
voterait blanc, la patronne du FN fait objectivement le jeu de François
Hollande.
Ce qui est le meilleur moyen, pour elle, de préparer le troisième
tour. Ses 17,9 % lui laissent espérer, aux législatives, un maintien
dans plus de trois cents circonscriptions. Elle peut en attendre
quelques députés. Elle espère surtout multiplier les triangulaires, qui
feraient chuter l'UMP, et se rendre incontournable pour recomposer la
droite.
Tertio, il faudrait de bons reports de l'électorat de
François Bayrou dont une partie est tentée par l'abstention.
Curieusement, alors que c'est au centre que Nicolas Sarkozy peut séduire
le plus d'indécis, son discours - frontière comme Front, nation comme
national - reste peu enthousiasmant pour ces catégories.
Cet état des lieux explique les deux stratégies en présence. D'un
côté François Hollande continue de gérer son capital d'intentions de
vote. Son hommage à Pierre Bérégovoy, homme simple, honnête et
rigoureux, répond aussi au désir de rassemblement et de sobriété que les
Français attendent de l'exécutif. De l'autre, Nicolas Sarkozy met le
pays sous tension.
On l'a vu hier, au Trocadéro. En occultant le 1er mai
syndical, célébration internationale des conquêtes sociales, il joue les
travailleurs contre leurs représentants. Mais en leur faisant la leçon,
il accroît le risque d'une rupture de confiance avec les syndicats,
danger qui n'échappe pas à François Fillon, conscient qu'il y aura
besoin d'eux pour mener les réformes. En pointant les corps
intermédiaires, rouages de toute démocratie, il clive, comme on dit,
tout en assurant, dans le même temps, haïr tout ce qui divise.
On le verra ce soir lors du duel télévisé dont il se sent le favori.
Survolté comme jamais, Nicolas Sarkozy va bombarder François Hollande de
chiffres et d'arguments, tenter de révéler son incapacité supposée à
décider. Exercice périlleux, car la sérénité du candidat socialiste peut
l'obliger à une agressivité peu présidentielle. En privilégiant
l'esquive, François Hollande, à l'inverse, prendrait le risque d'une
petite victoire qui serait d'abord la défaite de Nicolas Sarkozy.
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