jeudi 3 mai 2012
Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy
Barrant la vue aux trois quarts des participants au défilé de Jeanne
d’Arc du Front national, un immense praticable pris d’assaut par des
dizaines de photographes de presse, flanqué de multiples camions de
régie, donnait mardi matin au discours de Marine Le Pen sa tonalité
avant tout médiatique. Oui, avec ses 17,9 % au premier tour, elle est
l’arbitre de l’élection de dimanche.
« C’est à l’aune du mépris » de la droite comme de la gauche « que
j’ai fait mon choix. Chacun d’entre vous, chacun d’entre nous fera le
sien. (…) C’est de notre avenir commun dont nous parlons, vous êtes des
citoyens libres et vous voterez selon votre conscience, librement ! » Marine Le Pen, sans surprise, a annoncé à titre personnel : « Je n’accorderai ni confiance ni mandat à ces deux candidats (…) Dimanche, je voterai blanc. » Et en juin, aux législatives, « bleu marine », a-t-elle ajouté, triomphale.
Il n’y a donc pas de consigne officielle de vote, mais une
incitation indéniable à ne pas barrer la route à François Hollande.
D’autant que le discours, axé sur « l’extraordinaire réussite » des près
de18 % de suffrages portés sur Marine annonce, a-t-elle dit,
l’explosion du « bipartisme siamois patiemment construit » : « Il n’y a plus de droite ni gauche. Ces deux faces du même système sont en train de se disqualifier, l’UMP
aujourd’hui, le PS dans quelques mois (…) Nous sommes le rassemblement
national, nous sommes le parti de la réconciliation de tous les
Français ! »
L’essentiel de sa critique s’est d’ailleurs porté sur Nicolas
Sarkozy, dont le discours actuel ne saurait faire oublier le bilan dont
Marine a détaillé avec justesse et vigueur tous les aspects négatifs, à
commencer par la trahison du résultat du référendum français sur
l’Europe. Sarkozy ou Hollande, c’est pareil, dit-elle : « Le 6 mai, ce ne sera pas un président qui sera élu, c’est un simple employé de la BCE,
un sous-gouverneur des finances de Bruxelles, chargé d’appliquer les
décisions de la Commission, et sans discuter encore, avec,
permettez-moi, compte rendu régulier à l’Allemagne de Mme Merkel. »
Les avis des électeurs de Marine Le Pen n’en sont pas moins
partagés, à en juger d’après les avis de personnes présentes à l’Opéra
mardi matin : les uns s’abstiendront ou voteront blanc dimanche,
d’autres voteront Hollande avec l’idée de faire « exploser le système »,
d’autres encore, plus nombreux m’a-t-il semblé, ont exprimé leur
soulagement devant le refus de Marine Le Pen de donner une consigne de
vote claire et feront tout pour « barrer la route à Hollande ».
Ils ne s’apprêtent pas à voter « pour » Sarkozy, mais pour éliminer
celui qui promet le vote des immigrés pour 2013, le « mariage » et
l’adoption homosexuels, une forme de suicide assisté, l’avortement
remboursé à 100 %, l’école obligatoire à trois ans, la retraite à 60 ans
et le recrutement de nouveaux fonctionnaires… Ce sont les promesses les
plus « sociétales » – et les moins onéreuses pour le budget de l’Etat –
qui pourront être réalisées les premières. Et cela fait une vraie
différence avec Sarkozy. Marine Le Pen a balayé cela en affirmant
qu’avec Nicolas Sarkozy cela arrivera de toute façon tôt ou tard.
Il n’empêche : en démarrant son discours avec une citation de Jean-Jacques Rousseau – « Jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe »
– et en multipliant les références à ce « peuple » sacralisé, en
expliquant que le FN a pour « grande mission » son « émancipation »,
elle s’est une nouvelle fois inscrite dans la tradition révolutionnaire.
De même lorsqu’elle a appelé de ses vœux « la République laïque et
sociale » que le FN veut construire, avec ce « peuple » qui n’accepte
pas d’autre souveraineté que la sienne.
Paradoxalement – et sans être dupe de son discours et de ses
promesses – Nicolas Sarkozy, qui a rassemblé au Trocadéro des dizaines
de milliers de personnes, a tenu (par moments !) un langage qui semblait
plus proche de celui de… Jean-Marie Le Pen. Avec des formules qui
frappent pour dénoncer la lutte des classes, le syndicalisme partisan,
« le socialisme ! » en un mot. « Je le dis aux syndicats : posez le drapeau rouge et servez la France ! » Avec les mots de Lamartine : « Le
drapeau rouge n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans
le sang du peuple en 1791 et 1793, et le drapeau tricolore a fait le
tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie. » Les applaudissements, les vagues bleu-blanc-rouge n’ont jamais été aussi forts que pour saluer ces mots : « Nous
avons reçu de nos parents comme un trésor des territoires où se
dressent partout des cathédrales et des églises. Personne ne nous
interdira de revendiquer nos racines chrétiennes ! »
Scandaleux de la part de celui qui a bradé la France à Bruxelles ?
Effort de « marketing » ? Opportuniste ? Oui, oui et encore oui. Mais
que ce langage soit aujourd’hui celui que veulent entendre les Français,
c’est inouï, inespéré… et, à condition de relever le défi, exploitable.
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