Rappelons que la Grèce est tenu par un mémorandum signé avec la
troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds
monétaire international). C’est contre la promesse d’un nouveau sérieux
tour de vis budgétaire que ces trois là ont accepté de renflouer les
caisses du pays le plus endetté de l’eurozone. Ce jeudi,
4,2 des 5,2 milliards
prévus via la nouvelle tranche de financement ont été versés. Le
milliard restant étant conditionné au retour dans le droit chemin de la
Grèce. Mais si le nouveau gouvernement – à condition qu’il y en ait un -
refuse les conditions de versements de l’aide, que se passera-t-il ?
Les créanciers internationaux vont-ils suspendre leur aide ? Plusieurs
scénarios sont possibles.
Scénario 1 : La Grèce sort de la zone euro
Si le gouvernement grec refuse les conditions de l’aide
internationale, la troïka risque de bloquer la prochaine tranche de
versement. Privée de cash, la Grèce n’aura plus d’autre choix que de se
mettre à nouveau en défaut. C’est déjà ce qui s’était « partiellement »
passé en mars dernier. A l’époque les créanciers privés avaient accepté
d’effacer 110 milliards des 350 milliards de la dette publique. Mais
cette fois-ci la dette est majoritairement détenue par des institutions
publiques. Résultat : si la Grèce n’honore pas sa dette,
« elle se met hors jeu et sort presque automatiquement de l’euro », prédit Benjamin Carton, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).
- Avantages : La Grèce revient à la drachme. Elle
peut alors dévaluer sa monnaie et rendre ses exportations – ou son
tourisme - plus compétitifs. Sauf que dans le même temps, le coût des
importations augmentent. Or, la Grèce importe plus (notamment de
l’énergie) qu’elle n’exporte. Résultat : l’inflation augmente et le
pouvoir d’achat baisse. « A partir de là, elle peut peut-être remonter la pente, imagine néanmoins Benjamin Carton. Mais ça ne sera pas facile. » Rien à voir en tout cas avec l’Argentine qui a dû sa relance « à la montée du prix des matières premières », inexistantes en Grèce. Et du côté de la zone euro ? « S’il n’y avait pas de problème de contagion, laisser la Grèce sortir serait une solution relativement peu coûteuse, souligne Jacques Le Cacheux, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est
comme lorsqu’on a un petit bout de doigt malade et qu’on l’ampute.
Après tout, la Grèce ne pèse que 2% du PIB de la zone euro. »
- Inconvénient : Mais voilà, le risque de contagion
existe justement. Au premier rang des victimes : le Portugal, l’Espagne,
l’Italie qui inspirent peu confiance. « Si la Grèce fait défaut
pourquoi pas d’autres pays ? Le doute risque de se renforcer, les taux
d’intérêt de ces pays grimper et la charge de leur dette devenir plus
lourde », décrypte Jacques Le Cacheux. Du côté de la Grèce, le
scénario n’est guère plus réjouissant. Au lendemain de l’abandon de
l’euro, « c’est l’effondrement de l’économie grecque. Le système
bancaire est asphyxié, les financements gelés. C’est une situation
comparable à ce qui s’est passé pour les économies asiatiques en 98 »,
anticipe Benjamin Carton. Même si elle cessait demain de rembourser sa
dette, la Grèce serait très rapidement à court de liquidités parce que
ses dépenses excèdent largement ses recettes comme l’explique l’économiste Alexandre Delaigue.
Scénario 2 : On renégocie l’accord et on met le cap sur la croissance
Renégocier
l’accord en adoucissant les mesures d’austérité et les réformes
structurelles du marché du travail ? C’est ce que réclame la Grèce
aujourd’hui.
« On pourrait trouver un compromis, dire qu’on table sur
une stabilisation voire une baisse de l’endettement mais pas de manière
précipitée et sans sacrifier le programme de soutien de la croissance.
C’est l’idée défendue par pas mal de gens notamment par François
Hollande ou par des économistes comme Stiglitz ou Krugman », explique Jacques Le Cacheux. Mais comment booster la croissance ?
« La Banque européenne d’investissement prêterait à des taux raisonnables
ce qui permettrait le lancement de chantiers dans les énergies
renouvelables, les économies d’énergie ou les transports verts », imagine Jacques Le Cacheux.
« Il y a un petit espace politique pour cela », estime Benjamin Carton. Notamment parce que les plans d’austérité en ces temps de grave récession
ne font plus que des émules
- Avantage : C’est le lancement de la croissance verte, tant attendue.
- Inconvénient : De nouveaux investissements pour stimuler la croissance, c’est bien beau mais « on est déjà au delà de ça en Grèce, on est dans l’urgence », estime Jacques Le Cacheux.
Scénario 3 : On remet tout à plat
Et si on accélérait la mue des institutions financières européennes ?
On pourrait par exemple créer un fonds européen de recapitalisation des
banques qui n’auraient plus à appeler les Etats à l’aide.
« Les banques passeraient alors sous la tutelle européenne », résume Benjamin Carton. Deuxième mutation : la création d’
euro-obligations. En clair, la mise en commun des dettes des Etats à condition que ces Etats aient honoré leurs créances par le passé.
- Avantage : Une plus grande intégration européenne. « Quand on traverse une tempête, ça soude les équipes. Mais il faudra avant traverser la tempête », souligne Benjamin Carton.
- Inconvénient : Une telle mutation n’interviendra
sans doute pas assez tôt pour sauver la Grèce. Pis, le temps qu’elle
advienne, d’autres pays risquent de rester sur le bord de la route. Et
si la crise en Europe accélère le mouvement, il vaudrait mieux que « cette
mue aient lieu plus progressivement. Qu’en 2020 par exemple, on ait une
architecture solide qui puisse nous protéger si une nouvelle crise
survient », estime Benjamin Carton.
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