L'écart se resserre entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. La dynamique est-elle de votre côté?
François FILLON.
- Oui. Il se passe quelque chose. La campagne permet de dissiper le
rideau de fumée des mensonges sur le bilan du quinquennat. On répétait
par exemple que le pouvoir d'achat avait baissé, alors qu'il a augmenté
de 6 % depuis 2007! Sur le chômage, dans un contexte de crise, la
situation de la France est meilleure que celle de nos voisins, sauf
l'Allemagne. Les masques tombent aussi concernant la fiscalité: Nicolas
Sarkozy n'est pas le président des riches. L'imposition du capital est
plus élevée aujourd'hui que quand la gauche était au pouvoir. De la même
façon, cette campagne révèle les caractères. Plus on s'approche du
moment du choix, plus les Français reconnaîtront que Nicolas Sarkozy a
l'autorité nécessaire et qu'il a joué un rôle historique dans le
sauvetage de l'euro. À l'inverse, François Hollande, qui concentrait
tous les jugements positifs du fait de ses propositions inodores,
suscite aujourd'hui un doute dans l'opinion.
L'anti-sarkozysme vous inquiète-t-il?
Le
filon de l'anti-sarkozysme est épuisé. Et c'est sain. On ne peut pas
choisir un président de la République sur la seule critique et le seul
rejet.
Regrettez-vous que la question de la dette soit peu présente dans la campagne?
Ne faut-il pas accompagner l'effort de réduction des déficits publics d'un volet en faveur de la croissance, comme le propose notamment François Hollande?
Oui, il faut une politique de soutien à la croissance mais elle doit être réaliste. François Hollande oppose réduction des déficits et politique de relance, alors qu'il faut faire les deux! Sans réduction des déficits, nous aurons une explosion de l'euro. Pour stimuler la croissance, il faut stimuler la compétitivité et donc baisser les charges. Or, le candidat socialiste propose le contraire.
Partagez-vous le constat de Nicolas Sarkozy sur l'Europe de Schengen, qu'il a qualifiée de «passoire»?
Il ne faut pas faire de l'Europe un bouc émissaire. Mais ça fait longtemps que je pense qu'elle devrait être organisée différemment. Quand on a fait l'euro, on a commis une faute: mettre en place une monnaie sur des territoires qui avaient des pratiques économiques et fiscales différentes, sans qu'il y ait un gouvernement capable de coordonner ces politiques. Pour Schengen, c'est la même chose: on a mis en place un territoire unique entre des pays ayant des politiques migratoires différentes. Certes, ces politiques communes vont dans le bon sens. Mais pour les conduire, il faut des institutions spécifiques. Il faudrait par exemple un pilote de la zone Schengen qui travaille à la convergence des politiques migratoires. Cela nous conduit à une Europe à plusieurs cercles. Il faut avoir le courage de poser clairement les données du problème.
Est-ce que cela passe par des transferts de souveraineté?
C'est ce que le président appelle fort justement la souveraineté partagée. Il faut faire des choix. Toute mon histoire politique est gaulliste et je n'ai rien renié de mes combats pour la souveraineté de la France. Mais je constate qu'au début du XXIe siècle, la seule façon de défendre l'identité française, c'est de défendre une identité européenne.
François Hollande se revendique comme un Européen convaincu. Porterait-il moins haut que Nicolas Sarkozy la volonté de la France en Europe?
Aujourd'hui, être européen, c'est libérer l'Europe des déficits et bâtir la gouvernance politique de la zone euro. François Hollande ne propose ni l'un ni l'autre. Depuis le début de la campagne, il esquive tous les débats difficiles. Avec la conviction que grâce à la crise et en critiquant le président, il gagnera. C'est une stratégie qui ne résistera pas à la durée de la campagne.
Nicolas Sarkozy a lancé un ultimatum à l'Europe, alors que le processus de renégociation des accords de Schengen était déjà bien engagé à Bruxelles: n'est-ce pas contre-productif?
Les Européens ne sont pas étonnés du style que Nicolas Sarkozy donne au débat. Ils l'ont déjà expérimenté avec la présidence française de l'UE qui fut saluée comme brillante mais… sportive. Les institutions de l'Europe sont parfois bousculées par cette façon de faire, mais c'est efficace et cela donne des résultats.
La droite ne fait-elle pas l'impasse sur le bilan du quinquennat?
Il y a une répartition des rôles. Le rôle du président, c'est d'amener les Français sur un projet pour un deuxième quinquennat. Le bilan, c'est le travail du gouvernement. Et ça fonctionne. Je sens que l'atmosphère a changé.
Vous sentez-vous comptable à 100 % de ce bilan?
Bien sûr. Ça ne veut pas dire qu'on a tout réussi, loin de là. Sur le temps de travail, par exemple, je reste persuadé que cette question doit continuer à être au cœur du débat. Si la France veut parler d'égal à égal avec l'Allemagne, elle devra améliorer la compétitivité des entreprises et il faudra continuer à assouplir la réglementation autour du temps de travail.
Hollande veut taxer à 75 % les très hauts revenus, Sarkozy les exilés fiscaux: n'y a-t-il pas surenchère fiscale?
Il s'agit de deux démarches différentes. La première consiste à dire: je taxe de manière confiscatoire les gens qui gagnent beaucoup d'argent. La deuxième consiste à dissuader les Français de s'en aller, car s'ils partent, ils payeront autant d'impôts que s'ils restent. La mesure proposée par Hollande visait essentiellement à frapper les esprits. Pour le reste, elle est sûrement inconstitutionnelle, non efficace, et elle ferait fuir les contribuables les plus aisés. Et comme toutes les mesures proposées par Hollande depuis le début de cette campagne, elle est fluctuante.
Quel langage faut-il tenir à François Bayrou?
Il ne faut pas chercher à tenir un langage spécifique, ni à François Bayrou, ni à ses électeurs, ni à quelque autre catégorie. Il faut mettre sur la table nos convictions. Sur la dette, il y a une grande convergence entre Bayrou et nous. Sur la question européenne, idem. S'adresser à telle ou telle catégorie d'électeurs, c'est contraire à la logique de la présidentielle. Ce n'est pas une élection où l'on négocie.
Certaines thématiques de campagne (immigration, halal, Schengen) ne sont-elles pas de nature à froisser les électeurs centristes?
Au dernier moment, ils auront un choix à faire entre deux candidats. Ils seront devant leur conscience. Ce sera projet contre projet. Celui de Nicolas Sarkozy est équilibré: humaniste et efficace.
Sarkozy propose l'introduction d'une dose de proportionnelle. Comment réagit le gaulliste que vous êtes?
J'ai déjà dit à Nicolas Sarkozy que ce n'était pas la partie la plus enthousiasmante de ses propositions. Je n'aime pas l'idée qu'il y ait deux sortes de représentants du peuple avec des contraintes et des logiques différentes: celui qui a une circonscription à labourer et celui qui est totalement entre les mains de son parti. Un deuxième problème me préoccupe: avec en plus une dose de proportionnelle, il y a un vrai risque que le président élu n'ait pas la majorité absolue et soit contraint de négocier avec les plus petites formations politiques!
Alain Juppé assure qu'il veillera à l'unité de l'UMP après la présidentielle. Est-elle menacée d'éclatement?
L'UMP est un parti très jeune qui a besoin de consolider ses fondations, son unité, l'expression des sensibilités en son sein. Il faut donc tout faire pour maintenir l'unité de l'UMP. Alain Juppé a raison d'être vigilant. Nous le serons tous.
Pour veiller à cette unité, seriez-vous prêt à prendre la tête du parti après la présidentielle?
La question ne se pose pas en ces termes. La présidentielle déterminera tout. Tout le reste n'est que spéculations inutiles.
Vous êtes candidat aux législatives à Paris. Briguerez-vous la mairie en 2014?
Je ne peux pas sauter toutes les haies à la fois. La première, c'est la présidentielle. Pour l'heure, je me bats pour que Nicolas Sarkozy gagne.
Rachida Dati vous critique publiquement. Comment jugez-vous son retour en force dans la campagne?
Je n'entends rien, je ne vois rien, et je ne veux rien entendre.
Regrettez-vous que Jean-Louis Borloo ait été absent du meeting de Villepinte?
Jean-Louis Borloo a toute sa place dans la campagne. Et plus tôt il apportera son soutien à Nicolas Sarkozy, mieux ça sera.
Quelle est la première chose dont vous avez été privé cinq ans durant que vous aimeriez faire en quittant Matignon?
Conduire ma voiture. Pas pour le fait de conduire. Mais parce que je serai libre.
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