dimanche 18 mars 2012
Sondages
Platon se représentait l’opinion publique sous la forme d’un gros
animal, et décrivait la démagogie comme l’art de le flatter en prévoyant
ses mouvements et en prévenant ses appétits. Depuis lors nous avons
perfectionné la méthode en lui prenant à tout bout de champ sa tension
et sa température, ce que nous appelons sondages.
L’exercice ne mériterait pas tant de commentaires si les sondeurs ne
se prenaient pour des sondologues, en s’autorisant de ces aperçus pour
nous asséner des prognostications à côté de quoi celles des vieux
almanachs avaient au moins le mérite d’une involontaire poésie. Pis que
des juges anglais, nos augures ont le culte du précédent, censé en
l’occurrence nous prouver à quel point leur science est solide : ils ne
cessent d’annoncer l’élu de 2012 en prenant pour martingale infaillible
l’une ou l’autre des élections précédentes, que d’ailleurs en leur temps
aucun d’eux n’avait su prévoir : c’est ainsi qu’on nous a promis, tour à
tour ou simultanément, la répétition du premier tour de 2002, du second
de 1981, voire, pour les plus archéologues, le ballottage-surprise de
1965. Il est curieux comme la science, poussée à ce raffinement
conjectural, peut faire oublier jusqu’aux conditions mêmes de la réalité
la plus courante ; comme par exemple, ainsi que le remarquait
Paracelse, qu’on ne saurait faire voile au vent de la veille.
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