samedi 4 février 2012
Soleils glacés
Il aura fallu des froidures inhabituelles pour que la météo vole la vedette aux politiques. Une leçon d’humilité pour les puissants. Au diable les estrades surchauffées, l’atmosphère torride des plateaux télévisés écrasés sous la chaleur des sunlights et les petites phrases qui mettent le feu aux médias ! Toute cette ébullition s’évanouit en vapeur éphémère dans le gel bien réel qui saisit février à son orée. La morsure des basses températures déchire tout, jusqu’au ronron félin que provoquent invariablement les premières soirées de la campagne présidentielle.
Cette revanche éclair du ressenti sur le raisonné dans l’ordre des priorités de l’information ne saurait se réduire à une victoire anecdotique. Elle a un sens, physique et mental, parce qu’elle nous interroge sur notre vulnérabilité. Le thermomètre descend brusquement dans les abîmes négatifs et hopla nous voilà saisis par les craintes existentielles de notre quotidien : y aura-t-il assez d’électricité pour continuer à faire tourner la machine infatigable de nos pays développés au moment du dîner et du prime time ? Que nous puissions redouter que nos centrales électriques tiltent sans prévenir en dit long sur la fragilité de nos modèles de développement. Il faut cet électrochoc pour s’apercevoir qu’il n’y a nul impératif à éclairer nos cités a giorno. L’énergie réapparaît à nos yeux pour ce qu’elle est : précieuse. Un épisode glacial vaut mille publicités de l’Ademe regardées d’un œil distrait.
Ah, vous avez remarqué vous aussi ? Les questions environnementales ont été carbonisées dans les petites cuisines de la campagne. Les maîtres de la polémique économique n’ont ni l’honnêteté, ni le talent inégalable des meilleurs experts-comptables pour éclairer simplement notre lanterne sur les coûts comparés du nucléaire et de l’éolien marin, du thermique et du photovoltaïque. Hélas, trop souvent chez les politiques, l’intérêt électoral congèle en cours d’opération la vérité des additions.
Les vents polaires sont cruels mais ils ont au moins cette vertu : ils piquent au vif nos réflexes de solidarité, réveillent en sursaut notre humanité, décillent les yeux, nous forçant à regarder ce que nous ne voyions plus. Et soufflent sur l’espérance qu’un jour nous pourrons admirer les soleils rouges des aubes bleues de l’hiver sans trembler pour ceux qu’ils font encore souffrir quand ils rasent les trottoirs de leur lumière glacée.
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