samedi 18 février 2012
'Extrême droite : pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire'
Dans cette campagne présidentielle, l'idée se répand, ici ou là, que nos pays développés, dont la France par conséquent, pourraient être dépassés et même submergés par les pays émergents. Ainsi sont attisés méfiance et peur, et le souhait, à peine voilé, que cessent les aides apportées par les pays riches au tiers-monde.
Voilà qui peut interroger tous ceux qui, depuis des années, souhaitent que la misère recule sur la planète. Les pays sous-développés, comme on les appelait, étaient la concentration de la pauvreté mondiale. Là, on mourait de faim et de multiples maladies. Plus tard, on les définit comme étant « en voie de développement ».
Aujourd'hui, la misère, hélas, est encore là et maltraite des centaines de millions d'hommes, mais elle a reculé dans ces pays qui en émergent. Et voilà que l'on veut nous effrayer, nous faire croire que nous pourrions être « submergés ». Faudrait-il alors que ces pays replongent dans le drame d'où ils s'efforcent de sortir pour que nous puissions continuer, seuls, à jouir de la vie et des possibilités nouvelles que le progrès nous apporte en matière de santé, de nutrition, de confort ? Cela paraît tout à fait contraire à l'esprit du christianisme, c'est pourquoi Étienne Pinte et Jacques Turck viennent de publier un petit livre : Extrême droite : pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire (1).
Les auteurs passent en revue ce qui les heurte dans cette idéologie : par exemple l'identité nationale vue comme une éviction de l'étranger ; l'immigration considérée comme menace majeure et même gangrène de notre société, cause de notre chômage ; le souhait de l'arrêt de l'aide médicale aux étrangers, le refus du regroupement familial, la peur de l'autre, le repli sur soi, la fermeture des frontières, la confusion entre nationalisme et patriotisme, etc.
Vertu du patriotisme, péché du nationalisme
Parce qu'ils estiment que les chrétiens doivent faire face au nationalisme, les auteurs rappellent les positions de l'Église sur cette question. Ils s'en réfèrent à Mgr Jullien, ancien archevêque de Rennes, qui la traita dans une homélie très éclairante prononcée le 11 novembre 1985, intitulée Vertu du patriotisme et péché du nationalisme : « Le patriotisme est une vertu. C'est une question de vérité, de reconnaissance, de gratitude, de justice, vis-à-vis de la communauté nationale. Le signe que notre patriotisme se situe dans la mouvance de la justice et de la charité, c'est précisément son ouverture aux autres patriotismes, son ouverture au patriotisme des autres. Un nationalisme fermé aux droits des autres est une atteinte à la communauté humaine, à la fraternité des hommes et à la paternité de Dieu notre Père. »
Par ailleurs, le simplisme des solutions proposées par les tenants de cette idéologie d'extrême droite évacue toute la complexité inhérente à notre monde. En effet, ce n'est pas une « démondialisation » impossible qui résoudra les problèmes difficiles auxquels nous avons à faire face. Ce n'est pas le soupçon jeté sur les institutions internationales difficilement élaborées depuis la Seconde Guerre mondiale, ce ne sont pas les attaques contre l'Union européenne ou l'Onu qui favoriseront cette fraternité universelle dont rêvent les chrétiens et, heureusement avec eux, beaucoup d'autres. Ce n'est pas en cultivant la peur, en suscitant indirectement le mépris et la haine que la paix pourra être construite.
Voilà pourquoi, face à ces orientations sociales et politiques, les chrétiens, en effet, ne peuvent pas se taire.
(1) Éditions de l'Atelier (les Éditions Ouvrières), 51-55, rue Hoche, 94200 Ivry-sur-Seine.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire