La Cour des comptes veut mettre l'accent sur la baisse des dépenses. Une pierre dans le jardin du gouvernement.
Le gouvernement voulait un véritable audit des finances publiques avant d'annoncer des mesures difficiles. Mais dans son "rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques", la Cour des comptes n'a pas vraiment validé les attaques de Pierre Moscovici lancées contre le bilan budgétaire de Nicolas Sarkozy. Certes, la croissance et les recettes de 2012 ont été surestimées et il faudra trouver de 6 à 10 milliards d'euros pour boucler le budget. Mais les dépenses, elles, ont été tenues : seuls 1 à 2 milliards d'euros n'ont pas été financés, un chiffre peu significatif et "qui ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d'année au cours des exercices précédents", selon le premier président de la Cour, le socialiste Didier Migaud. En revanche, les magistrats ont réservé quelques mauvaises surprises à Jean-Marc Ayrault pour le budget 2013, dans lequel il faudra trouver 33 milliards d'euros pour atteindre l'objectif d'un déficit de 3 % du PIB. Les magistrats recommandent "d'agir en priorité" sur les dépenses, plutôt que sur les recettes, ce qui met le gouvernement en porte-à-faux. Revue de détail.Limitation des hausses des dépenses. Le programme de François Hollande prévoit une augmentation de 1,1 % des dépenses publiques (État, Sécurité sociale, collectivités territoriales) en volume (c'est-à-dire en plus de l'inflation). Pour la Cour des comptes, l'effort doit être plus important. Elle recommande une hausse des dépenses limitée à la seule inflation.
Dépenses de l'État. Jean-Marc Ayrault s'est engagé à ce que l'État ne dépense pas un euro de plus en 2013 par rapport à 2012, hors charge de la dette et des pensions. En clair, les dépenses de l'État seront automatiquement réduites, sous l'effet de l'inflation. C'est ce que les spécialistes appellent la stabilité en valeur. Pour y parvenir, le Premier ministre s'est engagé à geler les effectifs de l'État. Compte tenu du recrutement de 60 000 emplois dans l'Éducation nationale, la police et la justice, cela nécessitera des coupes sombres de postes dans les autres ministères, "selon un rythme supérieur à celui appliqué à partir de 2007", rappelle la Cour des comptes. En clair, plus d'un départ sur deux de fonctionnaires à la retraite ne sera pas remplacé, en dehors des trois ministères prioritaires, soit plus que sous Sarkozy ! Pour l'instant, le Premier ministre s'est seulement contenté d'annoncer une baisse des effectifs de 2,5 % par an dans les ministères non prioritaires.
Ce contrôle du nombre de fonctionnaires ne sera pas suffisant. À effectif constant, la masse salariale de l'État (82 milliards en 2011) augmente en effet naturellement de 1,6 %, ce qui "n'est guère compatible avec le respect de la norme zéro valeur des dépenses de l'État", souligne la Cour des comptes, car elle représente 30 % des dépenses. Le respect de la norme que s'est fixée lui-même le gouvernement Ayrault sera donc difficile, sauf à tailler dans les dépenses d'interventions, prévient la Cour. À tout le moins, la stabilité des effectifs n'est pas compatible avec l'avancement salarial des fonctionnaires, souligne la Cour. Le gouvernement va devoir geler le point d'indice, réduire les mesures catégorielles ainsi que les avancements. Autant dire appliquer une cure très sévère d'austérité pour les fonctionnaires. Dans son discours de politique générale mardi, le Premier ministre a soigneusement évité le sujet. Dans sa lettre de cadrage envoyée aux ministres, il avait bien annoncé des efforts appuyés sur les autres dépenses de fonctionnement de l'État (voitures et logements de fonction, achat de matériel...) qui devront être réduites de 7 % en 2013, puis de 4 % chaque année jusqu'en 2015. Mais cela semble bien insuffisant.
Dépenses "d'interventions". Les dépenses d'interventions représentent le gros de la dépense publique (54 %). Leur réduction sera donc indispensable. Jean-Marc Ayrault veut les baisser dans les mêmes proportions que les dépenses de fonctionnement (voir plus haut). Mais la Cour des comptes doute de la faisabilité, notant "la rigidité de ces dépenses, qui recouvrent souvent des dépenses de solidarité", ce qui "rend délicate leur maîtrise". 82 % des dépenses d'interventions sont en effet des prestations sociales (par exemple l'allocation adulte handicapé), difficilement attaquables, surtout pour un gouvernement de gauche.
Outre la réduction de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités territoriales et l'État et des collectivités entre elles, la Cour des comptes suggère des mesures de court terme comme une désindexation des retraites et des allocations familiales. Mais la gauche ne s'était pas privée de critiquer l'ex-majorité quand elle a décidé de limiter à 1 % la hausse des prestations familiales et des aides au logement pour 2012...
Assurance-maladie. Chaque année, le gouvernement fixe un objectif de hausse des dépenses d'assurance-maladie à ne pas dépasser (objectif national des dépenses d'assurance-maladie, Ondam). En 2012, le précédent gouvernement a fixé l'objectif à 2,5 % contre une évolution tendancielle des dépenses de 3,5 à 4 % si rien n'était fait. La Cour des comptes reprend à son compte cet objectif pour 2013, ce qui va nécessiter de faire de nouvelles économies. Or l'actuelle ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait durement critiqué, pendant la campagne électorale, la volonté de Nicolas Sarkozy de limiter la progression des dépenses à 2,5 % par an... Le PS a d'ailleurs annoncé un Ondam à trois sur l'ensemble de la législature.
Hausse des impôts. Même dans un scénario reposant pour moitié sur une baisse des dépenses et pour moitié sur une hausse des recettes, la Cour des comptes estime que la seule révision des niches fiscales serait insuffisante pour combler les trous du budget 2013. Selon les magistrats de la rue de Cambon, il sera très difficile d'échapper à une hausse d'un impôt à large assiette. Ce qui signifie que le gouvernement pourrait être obligé d'augmenter la TVA ou la CSG, même si cette hausse ne serait que temporaire. Jean-Marc Ayrault a pourtant promis mardi, devant l'Assemblée nationale, qu'il n'y aurait pas de "tournant" de la rigueur. Il a même annoncé la suppression de la hausse de la TVA prévue par Nicolas Sarkozy pour financer des allègements de charges pour les entreprises.
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