À ce moment de la campagne, François Hollande est attendu au tournant. On lui reproche d'être en tête sans le vouloir, d'avancer vers une victoire annoncée sans la mériter, de peut-être devenir président de la République sans avoir été choisi.
Les tenants d'une mystique gaulliste de « la rencontre entre un homme et le pays » ne s'y retrouvent pas, le candidat ne s'étant pas encore offert à la nation, ni la nation au candidat. Les nostalgiques d'une gauche messianique sont déçus par un candidat qui n'a pas encore promis le nirvana social au peuple de gauche.
On reproche à François Hollande de n'être ni François Mitterrand, ni Ségolène Royal. Le premier n'avait pas hésité à promettre la lune, sur un arrière-plan de mythologies ouvrière et républicaine mélangées. La seconde pensait que son seul charisme suffirait à soulever les foules et à les tenir dans une attitude extatique jusqu'au jour sacré du vote.
Mais François Hollande n'est pas François Mitterrand, ni Ségolène Royal, et les moments ne sont pas les mêmes.
Dans un contexte de crise économique aiguë, il est le favori face à un président sortant donné, au-jourd'hui, largement battu. Il est sûr d'arriver premier, à condition de ne pas tomber. Or, il marche sur un fil tendu au-dessus du vide.
À droite l'attend Nicolas Sarkozy, qui imprime sa marque et son rythme. Il provoque le candidat socialiste, lui tend des pièges, l'invitant à se découvrir, à promettre et promettre encore pour mieux le lui reprocher ensuite.
À gauche l'attendent les plus radicaux, qui exigent du souffle social, du nerf idéologique, de l'audace politique, au risque de faire peur aux Français, qui savent que le pays ne peut plus tout se permettre.
Jean-Paul Sartre était prêt à taire la vérité du socialisme soviétique pour ne pas désespérer Billancourt. François Mitterrand à promettre une impossible rupture avec le capitalisme pour l'emporter en 1981. François Hollande est-il prêt à faire gagner la gauche sur un malentendu, ou prendra-t-il le risque de la faire perdre en ne promettant que ce qu'elle pourra tenir ?
Ses discours prochains et son programme bientôt dévoilé le diront.
C'est un tournant pour le Parti socialiste français et la social-démocratie européenne.
Ou bien mener une campagne à gauche toute pour mobiliser son camp par d'audacieuses promesses, et gagner, avant de décevoir et de repartir dans l'opposition pour vingt ans.
Ou bien faire campagne sur un projet équilibrant l'économique et le social, prêchant la patience et un minimum d'efforts, tout en se démarquant d'une austérité de droite, et ne pas être sûr du résultat.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire