TOUT EST DIT

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lundi 23 janvier 2012

Bosser, ou dévaluer?

 Les sorties de l’Euro de la Grèce et même du Portugal sont devenues inévitables. L’horreur superstitieuse qui saisissait les élites financières et politiques face à cette perspective s’est transformée en quasi-résignation, tant les voix de la raison démontrant l’impasse de la situation actuelle sont devenues chorus.
L’Euro est surévalué pour la Grèce, et vouloir corriger cette surévaluation en infligeant une dévaluation de fait aux revenus des Grecs ne fait qu’exacerber la crise. Le chômage de près de 20% et la baisse drastique des revenus plongent la Grèce dans une récession qui augmente le déficit budgétaire que l’austérité devait réduire. Plus le déficit augmente plus l’austérité doit être brutale et plus la récession s’aggrave et avec elle le déficit. Le corps social est broyé et menace d’imploser ou d’exploser. La souffrance d’un peuple entier devient le remède à une maladie provoquée par le laxisme sans frein d’une classe politique et l’insupportable légèreté des banques prêteuses, convaincus l'un et l'autre que la Grèce ne sortirait jamais de l’Euro, cette belle monnaie forte.

La souffrance du peuple Grec ayant atteint un paroxysme, la sortie de l’euro est la seule solution viable quoi qu’en disent les pythies déchaînées à prédire l’apocalypse. La Turquie et l’Argentine ne sont sorties de crises graves qu’en mettant fin à une parité fixe de leurs devises avec le dollar. Pour survivre, la Grèce devra s’arracher à l’Euro et dévaluer le drachme, pour retrouver un taux de change en ligne avec sa compétitivité chancelante.

Mais la sortie de la Grèce et peut-être du Portugal seront t’elles suffisante pour « sauver » la zone euro, en l’amputant de ses membres les plus malades ? L’Espagne, l’Italie, et la France seront-elles aussi obligées de sortir de l’Euro pour sauver leurs économie? Le jury délibère encore.

Prenons le cas de la France. Avec, un chômage de plus de 10%, des délocalisations toujours en marche, un déficit budgétaire de 7% du PNB, des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaires) trop peu nombreuses, et  des PMI souvent à bout de souffle, la France est à la peine. Mais plus grave que le déficit budgétaire, la France doit encaisser un déficit de sa balance commerciale de près de 70 milliards d’euros (contre un excédent de 160 milliards pour l’Allemagne). Des secteurs industriels entiers ont disparus de France, comme nous le rappelle l’affaire Lejaby. Même des secteurs comme l’automobile ou l’équipement télécom régressent dangereusement par rapport aux Allemands ou aux Asiatiques. Et les services sont aussi menacés, des centres d’appels au développement informatique.
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Un déficit aussi important de la balance commerciale veut dire que l’industrie et les services français ne sont plus compétitifs. Et contrairement au déficit budgétaire qui favorise la croissance, un déficit commercial de 70 milliards d’euros équivaut à un prélèvement de 70 milliards d’euros sur l’emploi et l’activité françaises. A l’inverse, comme le montre l’exemple Chinois, un excédent commercial de plus de 200 milliards d’euros veut dire l’équivalent en activité et en emploi. La stagnation de la France s’explique en partie par ce déficit commercial, comme la croissance de la Chine ou de l’Allemagne par leurs excédents.


Le taux de change est supposé refléter la compétitivitée d’un pays. Quand celle-ci faiblit, la devise baisse ou est dévaluée, pour retrouver des niveaux de coûts concurrentiels. Quand la compétivité se renforce,  la devise s’apprécie. Les évolutions de la Lire Italienne et du Deutsche Mark avant l’euro compensaient les différentiels de compétitivité des deux pays.

Deux phénomènes datant des années 2000 ont contrarié ce type d’ajustement. Le premier est la politique systématique de sous-évaluation du Yuan. Le deuxième est la création de  l’euro. L’euro, monnaie unique, reflète  la moyenne de la compétitivité européenne. Il est donc sous-évalué pour l’Allemagne, mais surévalué pour la France et encore plus pour la Grèce. Aujourd'hui l’euro n’a pas de  « parité juste ».


Il n’existe que deux solutions de sorties de crise pour la France. La première serait de sortir de l’euro, ou de constituer une bloc « eurosud » avec l’Italie et l’Espagne, et de dévaluer, un "eurofranc" ou un "eurosud" valant au plus un dollar. La seconde solution serait de se rapprocher de l’Allemagne en terme de compétitivité. C’est le choix de Mario Monti pour l’Italie, à coup de réforme structurelles.

La faiblesse de la compétitivité Française a une série de causes largement identifiées. Poids trop lourd des charges sociales, appareil législatif, fiscal, et règlementaire favorable aux grandes entreprises et mortifère pour les PMI, rigidité du marché du travail, rentes de monopole. Mais une autre variable est apparue récemment à travers une étude Rexecode.

En 2010, d’après cette étude, la France a été le grand pays européens ou les salariés ont le moins travaillé, avec en moyenne 1679 heures par an,  contre 1904 heures à l’Allemagne.  En revanche, les non salariés français sont en tête du classement européen du temps de travail, avec 2453 heures par an !

Il existe des salariés qui travaillent dur, et des non salariés qui se la coulent douce. Mais les chiffres sont impitoyables. Il existe bien une France des trente-cinq heures, des RTT, des six semaines de vacances, du chômage vécu comme une année sabbatique, et une France des plus de quarante cinq heures, des trois semaines de vacances, et du chômage vécu comme un drame.

Aujourd’hui la France est au pied du mur.

Soit elle diminue sensiblement le coût global du travail, mets au travail tous les salariés, en allongeant la durée annuelle du travail et la durée du travail sur une vie, et obtient, par l’innovation et l’investissement, des gains de productivité, le tout permettant aux entreprises de baisser les prix, d’augmenter les salaires et  de préserver les marges. Elle retrouve ainsi sa compétitivité perdue.

Soit rien ne bouge, et la compétitivité française est alors irrémédiablement compromise. Les déficits commerciaux s’aggravent, le déficit budgétaire ne peut se résorber sans tuer encore plus une croissance atone, la France entre dans un scénario à la Grecque dont la seule solution est la sortie de l’Euro et une dévaluation remettant les compteurs de la compétitivité à zéro.

La Chine, en sous-évaluant systématiquement le Yuan depuis dix ans, et l’Allemagne qui a volens nolens tiré l’Euro vers le haut, ont pulvérisé notre économie. L’industrie française est passée de 25% à 12% de la valeur ajoutée française en une vingtaine d’années, et a perdu près d’un million d’emplois en dix ans.  Ce n’est pas en ânonnant des incantations sur « l’acheter français » ou en montant des usines à gaz fiscales que la France retrouvera sa compétitivité et son industrie perdue. C’est en réformant, en innovant, et en travaillant.

Mais nous sommes si loin de l’Allemagne en compétitivité, l’euro trop fort nous étouffe tellement, que, pour retrouver le chemin de la croissance et du pouvoir d’achat, le futur président français devra peut-être à la fois réformer…et dévaluer.

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