La rupture la plus originale de ce quinquennat imprévisible jusqu’au bout s’est finalement produite à moins de 80 jours du terme du mandat présidentiel. Baroque, l’accélération finale de Nicolas Sarkozy contraste avec le ralentissement de tous ses prédécesseurs à l’approche du rendez-vous électoral. Le calendrier du Premier ministre pour orchestrer les réformes annoncées dimanche soir est, lui, presque sidérant. Le Parlement est carrément secoué au moment même où les députés de la majorité sont soucieux de rentrer dans leurs circonscriptions pour préparer des législatives particulièrement périlleuses. Une fois de plus, le chef de l’État a bousculé la V e République, bien obligée d’avancer à marche forcée.
Est-ce un vrai courage ou une vulgaire fébrilité ? La question n’a pas fini de diviser les commentateurs circonspects, plutôt déroutés, il faut bien le dire, par des méthodes aussi peu orthodoxes que celles de l’homme de l’Élysée. Mais ce sont bien les Français qui trancheront et nul ne peut savoir aujourd’hui comment ils jugeront la posture offensive de ce président-candidat qui ne se résout pas à devenir candidat-président.
Qui peut croire que ces réformes à la hussarde peuvent être discutées à l’Assemblée et au Sénat avec la sérénité que leur importance exige ? Ces procédures bâclées augurent mal de la qualité et de la pérennité du changement radical qu’elles annoncent. Elles ne contribuent pas non plus à donner du pouvoir législatif une image digne. Mais qui s’en soucie dans la précipitation d’une campagne qui roule déjà et roule encore. Tout se mélange : la recherche d’un indispensable effet durable et la nécessité d’un résultat immédiat…
Abaisser le coût du travail est une entreprise politique noble et nécessaire dont l’objectif peut être parfaitement rassembleur. De ce point de vue, Nicolas Sarkozy a bien joué. Mais l’usine à gaz qu’il a mise en place est tellement obscure et tellement explosive qu’elle nivelle les opinions, lassées d’un jeu politique particulièrement élitiste. Que d’efforts dérisoires pour tenter, par exemple, de démontrer scientifiquement que le relèvement de la TVA n’entraînera pas de hausse des prix ! Comme s’il suffisait de décréter l’un de ces beaux principes pour mettre le pays à l’abri… Comme s’il suffisait que 16,5 millions de téléspectateurs regardent l’émission présidentielle sur le petit écran pour que les positions du président soient validées. L’ampleur de la déception peut aussi être proportionnelle à celle de l’audimat.
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