Avec la hausse de deux points de la CSG sur les revenus financiers, Nicolas Sarkozy porte au niveau record de 39,5% la taxation de l'épargne. Soit onze points de mieux en cinq ans... De quoi faire fuir les capitaux et dissuader les Français de financer l'économie. Retour critique sur les annonces fiscales du président-candidat.
En annonçant son intention de relever de 2 points la CSG sur les produits financiers, en complément de la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA ( à 22,1%), pour financer la baisse de 13 milliards d'euros des cotisations patronale de la branche Famille, le chef de l'Etat fait mentir son engagement de ne pas augmenter les impôts. Il procède surtout à un tour de passe-passe improvisé et dangereux pour le financement de l'économie française, de la façon la plus injuste qui soit de surcroît. Pas sûr d'ailleurs qu'il parvienne à convaincre sa majorité UMP de voter un tel coup de massue fiscal à la veille des échéances présidentielles et législatives. Conscient que sa majorité renâcle, Nicolas Sarkozy a d'ailleurs dû reporter dans l'urgence de ce matin à cet après-midi ses voeux à la presse, pour tenir une réunion d'urgence avec les parlementaires UMP.
Cette hausse de la CSGi concernera en effet la quasi totalité des placements (dividendes, intérêts d'obligations, y compris celles émises par l'Etat, assurance-vie, sicav et FCP, épargne salariale, livrets et comptes sur livrets et autres comptes à terme) et donc tous les épargnants, les gros comme les petits, notamment les retraités aux revenus modestes qui vivent des revenus de leur épargne. Seuls le livret A et le Livrets de Développement Durable y échapperont. De ce point de vue, le projet annoncé par François Hollande d'aligner la taxation du capital sur celle des autres revenus comme les salaires, en leur appliquant le barème de l'IR apparaît plus équitable, puisque le prélèvement sera progressif en fonction du revenu. Les petits patrimoines seront donc moins taxés que les gros.
Au total, sur l'ensemble du quinquennat, Nicolas Sarkozy aura augmenté les prélèvements sociaux sur l'épargne de 3,4 points, les faisant passer de 12,1% à 15,5%. ils s'ajoutent à une fiscalité d'État qui a porté le niveau du prélèvement libératoire de 16% à 24% au cours du quinquennat (21% pour les dividendes). En clair, un placement qui était imposé à 16% de prélèvement libératoire plus 12,1% de prélèvements sociaux en 2007 ( soit 28,1%) le sera désormais à presque 40%... 11,4 points de hausse en cinq ans... Même Jospin avait la main plus légère en ne relevant la taxation des revenus du capital que de 2,1 points pendant ses cinq années de cohabitation avec Jacques Chirac.
Cette hausse de la CSG sur les revenus financiers est d'autant plus étonnante qu'elle entre en totale contradiction avec l'affichage, purement factice il est vrai, de la fiscalité entre la France et l'Allemagne. Vaccinée depuis la fin des années 1980 contre tout excès de taxation du capital (qui avait à l'époque fait fuir les capitaux massivement au Luxembourg), notre voisin taxe de façon beaucoup plus légère les épargnants. Selon les statistiques 2010 d'Eurostat, avant donc les hausses annoncées en France depuis cet automne, la France taxait le capital à 38,8% contre 23,1% pour l'Allemagne.Outre-Rhin, la retenue à la source unique sur les revenus d'intérêts, de dividendes, et de plus values (à l'exception de l'immobilier) a diminué sous Angela Merkel, passant de 30% en 2008 à 25% à partir de 2009.
En revanche, notre voisin a un impôt sur le revenu plus lourd qu'en France, avec un taux marginal supérieur de 45% exactement le taux annoncé par François Hollande dans son projet présidentiel. C'est à ne pas se demander qui converge vraiment avec la fiscalité allemande... !
Avec un taux de TVA passant de 19,6% à 22,1% (contre 19% en Allemagne), une taxation de l'épargne de 39,5% (contre 25% outre-Rhin) et enfin, un taux de prélevements obligatoires qui va remonter au- dessus de 45% (contre 39,5% outre-Rhin), la France est en train de s'éloigner à grande vitesse du modèle allemand dont le président nous a tant vanté les mérites dimanche soir... Certes, la gauche veut elle aussi augmenter lourdement les impôts, mais la structure qu'elle envisage est beaucoup plus cohérente avec une stratégie de convergence avec l'Allemagne, puisqu'au lieu d'augmenter la CSG et la TVA, elle veut alourdir l'impôt sur le revenu et baisser l'impôt sur les sociétés sur les PME et les bénéfices réinvestis. A tout prendre, le Medef, qui a applaudi discrètement la TVA sociale Sarkozy, ferait peut-être bien de refaire ses calculs...
En faisant financer les déficits sociaux par l'alourdissement de la fiscalité de l'épargne et de la TVA, Nicolas Sarkozy prend le double risque de faire chuter la consommation, seul moteur de la croissance et de provoquer une vague d'évasion fiscale qui pénaliserait gravement le financement de l'économie par l'épargne nationale. Il est peu probable que la compétitivité de la France en sortira améliorée. Car les 3 ou 4 points de baisse de charges dont va bénéficier l'industrie risquent d'être annulés par une hausse de leur coût d'accès au capital. Sans oublier le cadeau fiscal gigantesque fait au passage aux banques, qui ne sont pas assujetties à la TVA, mais payent une taxe sur les salaires, et sont parmi les plus concernées par l'allégement de cotisations familiales vu les niveaux de revenus concernés (jusqu'à 2,4 Smic)...
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