mardi 5 juillet 2011
Les défis de Christine Lagarde
Si le grand capitaine se révèle dans la tempête, on ne saurait tarder à jauger les capacités de navigation en haute mer de Christine Lagarde. Le sauvetage de la Grèce et de la zone euro constitue un test immédiat et radical pour la directrice du Fonds monétaire international, qui prend ses fonctions aujourd'hui.
Certes, la Grèce vient de franchir un nouvel écueil politique, mais le modèle du sauvetage « aides contre austérité », porté par le FMI, est au bout du rouleau. Son efficacité économique, comme sa pertinence sociale, se heurtent au mur d'une réalité rétive. La Grèce plonge dans une récession qui l'anémie et l'empêche de rebondir, alors que les Grecs supportent de plus en plus mal d'être quasiment les seuls à payer la note face à des politiques inconséquents et des banques à l'abri. Comment éviter l'effet Titanic et l'effet dominos qui seraient ravageurs pour l'économie mondiale ? Telle est la redoutable équation soumise à la patronne du FMI.
Trois autres dossiers déterminants interdisent à Christine Lagarde tout pilotage automatique.
Premier impératif : rééquilibrer les pouvoirs au sein du FMI. Une nécessité dans la redistribution des rôles et richesses de l'économie mondiale. Cet impératif ne peut être cependant apprécié à la seule aune du bon sens apparent. L'institution est tenue de refléter la montée en puissance des grands pays « émergents ». Elle ne doit pas leur donner les clés de la maison sans autre forme de procès. Il serait imprudent, aujourd'hui, de confier un magister mondial à des puissances montantes qui ne donnent pas toujours les gages d'un respect minimal des règlements de copropriété, sur les monnaies (Chine) ou le commerce (Inde) par exemple.
Seconde exigence : renforcer le rôle de gendarme. Les désordres monétaires font précisément trop de dégâts dans le commerce mondial pour que le FMI se contente de compter les coups. La régulation du système monétaire international reste, à la sortie de la crise, un défi majeur pour éviter la rechute. Elle implique une remise en cause délicate et hypothétique de son pivot, le roi dollar. Elle suppose donc un courage politique assez inédit quand on constate que les derniers sommets du G20 ont délibérément planqué le dossier sous le tapis, à la demande des États-Unis, avec l'assentiment d'une très large majorité de leurs « partenaires ».
Troisième nécessité : changer de siècle. Le rôle de pompier de service de l'économie libérale touche désormais ses limites. Il ne répond plus aux énormes besoins émergents d'une économie monde dont le centre de gravité se déplace vers l'Asie. Pas plus que la Société des Nations, remplacée par l'Onu, le FMI n'a vocation à être figé. Le renforcement de son autorité et de sa puissance de feu financière, depuis trois ans, n'est sans doute qu'une première étape vers une gouvernance mondiale redessinée. Et pourquoi pas vers une fusion du FMI et du G20, au nom du principe de réalité et d'efficacité ?
Tous ces défis s'annoncent comme autant de tests pour la nouvelle patronne. Dominique Strauss-Kahn avait su imprimer sa compétence et son autorité. Sûrement plus libérale, Christine Lagarde saura-t-elle imposer son style et sa marque, outre son excellente pratique de l'américain ? Au cabinet américain MacKenzie, elle présidait consensuellement. À Bercy, elle exécutait la politique de l'Élysée, docilement. Au FMI, il lui reste encore tout à prouver.
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