L’affaire Ferry n’aurait pu être qu’anecdotique si elle n’avait concerné que la probité de l’ancien ministre de l’Education nationale. Mais elle va bien au-delà de cela. Nul ne conteste, en effet, l’honnêteté du philosophe, ni la régularité juridique de son détachement administratif ou la prise en charge de sa rémunération par l’université, et demain par Matignon. Pas d’hypocrisie : c’est une pratique courante pour tous les gouvernements de la V e République, et quand elle exerçait le pouvoir, la gauche n’a pas été en reste pour recourir à ce genre particulier de petits arrangements entre amis.
Ce qui choque, c’est le bricolage. Indigne d’un État moderne qui devrait pouvoir éviter ces financements en dérivation ou, à défaut, être en capacité d’exercer un contrôle plus strict sur cette utilisation de l’argent public. Le scandale serait plutôt là. Car si certaines des fonctions qui sont ainsi rémunérées correspondent à un réel travail pour la nation, d’autres ne sont que postes de convenances où certaines personnalités de la République peuvent tranquillement pantoufler avec une fiche de salaire à la fin du mois. De Gaulle avait raison de railler l’éventail infini de ces comités Théodule qui ne servent à rien sinon à pondre des rapports promis au placard voire au classement vertical. Sans compter les comités et autres missions de circonstance qui refont des études déjà faites et bien faites mais oubliées ou délaissées du seul fait d’avoir été commandées par un autre gouvernement.
Au moment où l’exécutif réclame des efforts aux Français et quand la majorité s’interroge sur les abus supposés des bénéficiaires du RSA, la France ne peut se permettre de tolérer que des émoluments publics soient versés sans réelle contrepartie. L’opinion refuse désormais que ces facilités profitant à une toute petite caste politique passent en pertes et profits. Quant à la morgue des bénéficiaires qui n’ont même pas la décence de reconnaître le privilège dont ils profitent, elle ne passe plus.
Les temps changent et ils laisseront de moins en moins d’espace aux fantaisies du pouvoir, surtout quand elles sont financières. Tout s’accélère et le mouvement impose désormais un minimum d’exemplarité aux hommes et aux femmes qui exercent des responsabilités politiques.
Un phénomène européen qui a désormais un symbole : voilà même que la championne de la combinazione, l’Italie, se rebelle ! Elle, qui pendant si longtemps préféra fermer les yeux sur les incroyables libertés prises par Silvio Berlusconi face à la justice de son propre pays, a jeté un non massif à la figure de son Premier ministre arrogant qui osait prêcher l’abstention. C’est bien le signe, encourageant, que nos sociétés informées ne veulent plus accepter ni l’impunité, ni l’opacité illégitime. Ce n’est pas de la philosophie. Juste un minimum de morale.
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