TOUT EST DIT

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mardi 14 juin 2011

La vie des autres

Quel décalage entre le défilé de nos jours ordinaires et cette corrida de l'actualité qui, épisode après épisode, jette dans l'arène et sacrifie pour nous séduire des puissants corrompus, des politiques pervers et des moralisateurs-tricheurs rendus fous par l'irrépressible attraction des caméras. Quelle distorsion entre la vraie vie des vraies gens et ce monde arrogant qui ne regarde que les rois et les reines. Ce monde qui ne laisse aucune place à l'éducation populaire, aucune chance à la culture urbaine, ce monde qui ne propose aucune alternative à la domination de l'argent et dans lequel BHL fait figure d'idéal intellectuel. Dans la vie des autres, ceux pour qui le monde n'est ni le FMI, ni l'orgie de richesses, c'est l'injustice qui est insultante.

Que ceux qui ont de l'argent le dépensent n'est pas un scandale. Ce qui l'est c'est que, par une étrange cécité, la pauvreté des pauvres nous soit devenue banale. C'est d'oublier de porter notre regard sur ceux qui travaillent sans gagner leur vie. À scruter le monde par le seul oeilleton de l'économie, le droit à l'humain est devenu un accessoire et les solitudes ont été ensevelies sous les états d'âme des princes étalés à la Une.

La société fonctionne comme une mécanique de sélection des élites qui, tout à leur endogamie, ne refont plus le monde et feignent d'ignorer que la politique ce n'est pas choisir des hommes mais de choisir des idées. Le discours de nos dirigeants s'adresse à des électeurs, à des consommateurs, rarement à des femmes et à des hommes. On parle du vivre ensemble comme d'une matière scolaire mal définie et la solidarité de la communauté nationale est classée parmi les cancers. Le débat sur la répartition de la richesse n'existe plus et nous croyons encore que la rénovation des quartiers qui ne brasse pas les populations et n'intègre pas, peut faire fonction de politique de la ville.

Le rideau de l'indifférence et des non-événements a estompé hier la douleur d'un gosse mort seul, sans l'argent pour acheter son traitement. Il a flouté aussi la souffrance de ceux qui en rentrant d'un petit boulot vont coucher dans leur voiture ou dans un carton. Nous ne sommes plus que des éléments statistiques. L'homme est un document pour l'homme.

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