Un an après, aucun accord de gouvernement n'a pu être trouvé — en dépit des nombreuses missions de "conciliation", "médiation" et autre "exploration" — et l'exécutif se limite aux affaires courantes. Les Belges quant à eux, s'ils sont pour beaucoup lassés et dépités d'une situation qu'ils jugent inextricable, restent paradoxalement toujours confiants dans la capacité de leurs leaders à finalement trouver une issue à la crise.
Pour l'éditorialiste du Soir, la Belgique survit, mais "elle est juste… un peu moins belge:
Côté flamand, l'éditorialiste du Morgen Yves Desmet explique pour sa part qu’un an après les élections, non seulement les négociations se trouvent au point mort, mais aussi les rapports de force politiques:
En un an, en effet, les francophones ont fini par partager au moins une conviction commune avec le nord du pays: nous sommes deux populations qui vivent sous le même toit mais en partageant peu de choses communes. Vrai, faux? On ne se pose plus la question désormais, on a acté. Même si cela n’est toujours pas le prélude à une séparation: elle reste une menace, et non un désir ou un projet.
La Belgique n’est plus vécue comme un mariage mais comme une cohabitation. En un an, les francophones ont fini par acter ce que les Flamands majoritairement leur répètent depuis des mois: nous devons gérer les choses différemment, car nos situations, nos envies, nos politiques sont différentes. […]
La longueur des négociations a, de plus, ancré dans la vie de tous les jours cette certitude que l’on pouvait, au fond, vivre heureux chacun chez soi. Les gouvernements régionaux assurent, prennent les décisions qui font tourner le quotidien. Et voilà soudain les Wallons qui se sentent très wallons, quasi capables comme les Flamands de rouler tout seuls. C’est illusoire, évidemment, car nombre de problèmes qui sont à charge du fédéral ne sont plus ou pas réglés. […]
Le plus étrange dans cette situation est qu’alors que chacun est désormais convaincu par la nécessité de réformes qui donnent à chaque région davantage d’autonomie, un accord communautaire paraît plus que jamais impossible […]
Ce qui bloque? Une négociation avec un parti nationaliste dont les exigences sont fluctuantes et placées très haut. Et qui empêche les autres partis flamands de 'craquer'. Et, sachant depuis hier que la N-VA affiche 33 % d’intentions de vote et que De Wever atteint les 53 % de taux de popularité, on se dit qu’il n’y a pas de raison que ça change. Fatigant, inquiétant et désespérant.
Malgré cette impasse, Desmet remarque que la confiance des citoyens dans la politique de leur pays s’est renforcée: "même si rien ne se conclut, l’on trouve qu’ils font du bon travail". Il voit deux raisons pour expliquer ce paradoxe:
La base de l’échiquier est restée la même, les deux mêmes formations politiques restent les forces dirigeantes: le PS et la N-VA gagnent même en électorat grâce à leur immobilisme et leur entêtement.
Pour la première fois depuis bien longtemps, la politique ne porte plus sur 'rien' ou sur des mesquineries, mais sur des choix instrumentaux et lourds qui pressent. […] Mais en même temps, un sentiment de fausse sécurité s’installe. Car même au bout d’un an sans gouvernement, ce pays continue à marcher, l’économie reprend, et personne n’a l’impression dans son entourage habituel de vivre dans un ‘failed state’ ["Etat raté", en anglais dans le texte]. Si tout semble tourner de façon automatique, pourquoi ne pourrait-on pas se permettre de continuer cet entêtement et cet immobilisme pendant un petit bout de temps?Et tandis que la Libre Belgique consacre sa une au le leader nationaliste flamand, De Standaard a demandé à des personnalités flamandes d'envoyer un message à Bart De Wever et à Elio Di Rupo. Ces lettres, écrit l'éditorialiste, montrent qu'il n'y a:
qu'incompréhension et frustration du fait de l’incapacité des deux leaders à mettre de l’eau dans leur vin. Il y a de la peur sur ce qui va suivre et de l’agacement sur l’immobilité de ceux qui étaient appelés à donner une autre tournure à l’histoire." En fait, note De Standaard, les lecteurs nous disent que "nous devons tous payer le prix fort d’un an de ‘couteaux tirés’.
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