TOUT EST DIT

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lundi 13 juin 2011

Humour corrézien

Il a suffi d’une petite boutade pour qu’elle anime un week-end de Pentecôte dont l’humeur politique s’annonçait pourtant paisible. Mais quelle boutade mes amis, ! Du miel pour des journalistes du 7 e jour en manque de polémique. Un ancien président de la République annonçant, tonitruant, qu’il votera à la présidentielle pour son ancien adversaire socialiste, ce n’est tout de même pas courant, même en rigolant.


C’est tellement énorme qu’on acceptera la thèse du trait d’humour corrézien avancée par François Hollande lui-même et reprise hier de bon cœur par Jacques Chirac. Après tout, cette version est sans doute vraie. Prononcée dans des circonstances particulièrement décontractées, la « plaisanterie « arrange bien les deux hommes, soucieux de ne pas choquer les ultras de leurs camps respectifs qui apparentent volontiers leur élasticité républicaine à une forme de trahison. Complices d’une certaine simplicité - corrézienne ? - ils entretiennent des relations marquées par un respect mutuel que le temps a poli, arasant les aspérités désagréables des débats d’antan. L’ancien premier secrétaire du PS n’a-t-il pas préfacé récemment et sans états d’âme l’excellente biographie consacrée par notre (non moins excellent) confrère de Sud-Ouest, Bruno Dive, au « Dernier Chirac » (éditions Jacob Duvernet) ?


Il n’est pas certain cependant que leur bonne blague d’un samedi de juin ait fait rire aux éclats Nicolas Sarkozy. Sans pitié, le président la mettra sur le compte de l’usure de son prédécesseur dont il commente l’état de santé - devant les éditorialistes qu’il reçoit à sa table - avec les ellipses de langage lourdes de sous-entendus qu’on réserve généralement à l’évocation d’un grand malade.


L’important dans l’humour, c’est ce qu’il trahit derrière le paravent de la drôlerie. Les saillies de l’inconscient, les blessures, les douleurs, l’orgueil, l’émotion... Jacques Chirac n’est plus l’animal politique qu’il fut pendant plus de 40 ans mais il n’en reste pas moins un grand professionnel à la retraite qui ne parle ni n’écrit à la légère. Sans le préméditer, il a probablement rendu la monnaie de sa pièce à son successeur qui, depuis son accession à la fonction suprême, n’a jamais guère eu d’élégance à son égard - les sibyllines allusions aux « rois fainéants » étaient à la limite de la méchanceté brute - et encore moins le soir de son élection où il n’eut pas un seul mot pour lui. Un épisode douloureux confessé dans le second tome de ses mémoires présidentiels, sorti en librairie cette semaine.


L’inspiration de l’humour chiraco-hollandais est finalement très sérieuse. Elle révèle les tensions, les frustrations mais aussi les conformismes qui étouffent la vie politique. Elle préfigure, aussi, la fin d’un système à bout de souffle, mais verrouillé, où la sincérité des élans, récupéré par les uns et exagérément interprété par les autres, n’a pas sa place.

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