La BCE a beau répéter que cette forme "douce" de restructuration est trop dangereuse, Berlin insiste pour faire participer les créanciers privés au nouveau plan d'aide à la Grèce.
Pour une fois, on ne peut pas dire que la BCE est le bras armé de l'Allemagne dans la zone euro. Le clivage entre les deux ne cesse de s'approfondir sur la question de la participation des créanciers privés dans le nouveau plan d'aide à la Grèce. Alors que Berlin veut rééchelonner la dette publique grecque, la BCE estime que cela ressemblerait dangereusement à une restructuration et aurait donc des conséquences désastreuses sur le secteur bancaire grec et européen. Si l'Allemagne était initialement plutôt isolée, il semblerait d'après le Spiegel qu'un compromis se dessine avec ses partenaires réticents. Les créanciers privés pourraient être appelés à participer à hauteur de 20 à 35 milliards d'euros, affirme l'hebdomadaire allemand. Si rien n'est encore décidé, la zone euro n'a en tout cas pas complètement tourné le dos à cette solution puisqu'elle a déclaré vendredi qu'elle analysait "la faisabilité d'un rééchelonnement" sur une base volontaire. En quoi cela consisterait ?
Qu'est qu'un rééchelonnement ? Il s'agit de rallonger la durée des prêts. L'Allemagne propose d'allonger de sept ans les maturités pour toutes les obligations en circulation. Contrairement à une vraie restructuration, l'idée est qu'en fin de compte les investisseurs soient remboursés à 100%.
Cela réduit les besoins de financement de la Grèce pendant quelques années et lui donne donc plus de temps pour travailler à l'assainissement de ses finances publiques sans avoir à se préoccuper de se refinancer sur les marchés.
A priori, "la Grèce pourrait suspendre pendant sept ans le remboursement du principal et n'aurait à payer que les intérêts", explique Cyril Régnat, stratégiste chez Natixis.
Le rééchelonnement est la solution prônée par le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble qui estime par ailleurs qu'elle installera "une répartition équitable des risques entre le contribuable et les créanciers privés", envoyant ainsi "le signal que l'on ne peut pas transférer tous les risques au contribuable".
S'il doit être volontaire, comment inciter les investisseurs à participer?Ce ne serait pas une tâche facile. En effet, "un rééchelonnement a un impact sur la valorisation en mark to market des titres, explique Cyril Régnat. C'est l'effet purement mécanique de l'actualisation : plus la maturité est éloignée, plus la valeur actuelle est faible. Cet effet est surtout fort pour les titres de courte maturité". Sauf qu'en pratique, "la plupart des créanciers ne valorisent pas leurs obligations en mark to market mais en 'loan to maturity', c'est à dire à leur valeur nominale. Elles ne seraient donc pas affectées par un rééchelonnement". Les créanciers pourraient même en sortir gagnants. Car allonger la maturité des prêts de sept ans signifie aussi sept ans de plus de coupons.
Surtout, il faut voir l'alternative : si le choix est entre un rééchelonnement et un défaut unilatéral d'un pays qui ne peut tout simplement plus payer, alors les investisseurs auront vite fait le calcul. Comme le dit Karl Whelan sur le blog Irish Economy , "c'est une approche de la négociation à la Don Corleone, avec des offres qu'on ne peut pas refuser". D'ailleurs, l'Association bancaire allemande n'est pas opposée à cette proposition.
Est-ce que cela représenterait un "événement de crédit ?"
C'est ce que craint la BCE. Mais d'abord, qu'est ce qu'un "événement de crédit ?". Il s'agit d'une action entamant la solvabilité du pays et qui est donc susceptible de déclencher le règlement des CDS ( les produits dérivés dont les marchés se servent pour se couvrir contre ou spéculer sur le risque de défaut de l'Etat) et donc de créer la panique sur les marchés. L'International Swaps and Derivatives Association (ISDA) a dit que tant qu'il est volontaire, un rééchelonnement ne constituerait pas un événement de crédit. Sauf que les agences de notation ne croient guère à l'aspect "volontaire" et ont toutes décrété qu'un réechelonnement serait assimilé par les marchés à un événement de crédit.
La BCE craint donc qu'un rééchelonnement crée une réaction en chaîne dans tous les maillons faibles de la zone euro. La BCE détient elle-même des milliards d'euros d'obligations publiques grecques, soit directement soit au travers des garanties fournies par les banques en échange de ses prêts. Cela explique peut-être, selon certains observateurs, sa crainte de les voir perdre de leur valeur. Mais les pertes éventuelles de la BCE seraient au final comblées par ses "actionnaires", les Etats européens, et en premier lieu l'Allemagne.
lundi 13 juin 2011
Ce qu'il faut savoir sur le rééchelonnement de la dette grecque
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