TOUT EST DIT

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mardi 10 août 2010

Pourquoi les riches Français sont moins philanthropes que les Américains

40 milliardaires américains se sont publiquement engagés à verser au moins la moitié de leur argent à de bonnes oeuvres. Et les grandes fortunes françaises ? Elles sont moins généreuses, et surtout plus discrètes.
L'engagement public de quarante milliardaires américains de verser la moitié de leur fortune à des organisations caritatives a fait sensation la semaine dernière. Peut-on s'attendre à ce que leurs pairs français, moins nombreux certes, fassent preuve d'une telle générosité ? C'est peu probable.

La philanthropie américaine plonge ses racines dans la fin du 19e siècle aux Etats-Unis avec les Rockefeller, Carnegie, Ford et Getty... Alors que les inégalités se creusaient au sein du pays de l'égalité des chances, ces richissimes capitaines d'industrie ont compris que s'ils voulaient éviter l'insurrection, "ils avaient intérêt à mettre la main au portefeuille, explique Antoine Vaccaro, président du Centre d'étude et de recherche sur la Philanthropie. Or les inégalités de revenus se sont à nouveau creusées ces dernières années. La richesse des 400 milliardaires américains correspond au PIB de l'Inde. Il n'est pas étonnant que la philanthropie revienne en force".

En France en revanche, le terme lui-même était tombé en désuétude depuis la fin de l'ancien régime. "Il évoquait l'église et les dames patronnesses.Ce n'est qu'avec la création de la fondation Bill Gates en 2000 que le mot a commencé à réapparaître", précise Antoine Vaccaro.
En France, plus de philanthropes morts que vivants

Il n'est pas possible d'affirmer que Liliane Bettencourt et Bernard Arnault, les deux prmeières fortunes de France, sont moins charitables que Bill Gates et Warren Buffett. Ce qui est certain, c'est qu'ils ont tendance à être plus discrets sur leur richesse, et donc sur leurs dons. "Dans le système éthico-religieux protestant américain, il n'y a pas de honte à faire fortune, alors que dans la mentalité française, plus influencée par le catholicisme, l'enrichissement est suspect, rappelle Antoine Vaccaro. Si on étale trop sa fortune, on a peur de se faire haïr ou d'avoir droit à un contrôle fiscal". C'est pourquoi de nombreux philanthropes ont préféré légué leur fortune aux bonnes oeuvres après leur mort.

Et c'est justement à cause de cette discrétion qu'il est impossible de faire des comparaisons chiffrées précises. Pour autant, Antoine Vaccaro estime que Liliane Bettencourt, Bernard Arnault et François Pinault consacrent entre un dixième et un quinzième de leur patrimoine à la philanthropie. On n'est donc loin d'être dans les mêmes proportions que Buffett et Gates, qui ont promis de léguer respectivement 80% et 95% de leur fortune et qui demandent à leurs amis de s'engager sur au moins la moitié de la leur. Les Français ne manqueront pas de souligner que les Américains étant moins lourdement taxés, il leur reste plus d'argent à consacrer à la charité. Quant aux riches Français, ils peuvent estimer qu'ils expriment déjà leur généreuse solidarité à travers l'impôt.
Pas question de mourir riche

C'est d'ailleurs la relative faiblesse de l'impôt et donc de l'Etat qui explique que les philanthropes américains soient très présents dans le social, l'éducation et la santé, des secteurs financés en France par l'Etat. "Les grandes fortunes françaises ont donc eu tendance à se tournées vers l'art, la culture et le patrimoine", affirme Antoine Vaccaro, via le mécénat.

Mais les différents niveaux d'imposition ne suffisent pas à expliquer l'écart de dons. Les raisons sont avant tout culturelles. Car si la richesse n'est pas taboue aux Etats-Unis, elle ne vient pas sans contrepartie. "On considère que celui qui a eu la chance de s'enrichir doit rendre une partie à la collectivité", poursuit Antoine Vaccaro. Pas question, en somme, de vivre radin et de mourir riche. "Cette fortune, je ne peux ni la dépenser entièrement ni l'emporter dans la tombe", écrit souvent Michael Blomberg, un des milliardaires à avoir signé la liste du Giving Pledge . "Le linceul n'a pas de poche", disait déjà le roi de l'acier Andrew Carnegie.

Et transmettre sa fortune à ses enfants, qui risquent de la dilapider, ne correspond pas non plus à la mentalité du self-made man américain, pour qui l'héritage n'est qu'un frein à l'innovation et à la création de nouvelles richesses. Tout l'inverse de la France, où le droit de succession interdit de déshériter ses enfants et où les Pinault, Lagardère, Arnault et autres grands entrepreneurs aiment transmettre leurs empires à leur progéniture.

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