Il y a un an, le législateur a décidé d'autoriser plus largement le travail le dimanche. Il reprenait ainsi à la lettre la proposition n° 137 de la commission Attali pour la libération de la croissance française. Mais il faut prendre une loupe pour détecter les effets de la loi - et un microscope pour en discerner l‘impact sur la croissance. Le comité parlementaire qui devait produire pour ce mois d'août une évaluation sur le respect du repos dominical a d'ailleurs choisi de respecter son propre repos.
Tout se passe comme si, au-delà des débats enflammés, la loi n'avait finalement ajouté qu'une nouvelle strate d'exceptions dans l'épaisse couche de lois et règlements corsetant l'ouverture des commerces le dimanche. Il y avait déjà des dérogations pour les boulangeries, les marchés, les animaleries, les commerces de biens culturels, les zones touristiques. Des zones touristiques elles aussi soumises à des exceptions étranges, puisque le découpage parisien y intègre la rue d'Arcole mais non le boulevard Haussmann. Avec la loi du 10 août 2010, il y a désormais les Puces (périmètres d'usage de consommation exceptionnel), à ne pas confondre avec les Puces de Saint-Ouen, elles aussi ouvertes le dimanche. Des Puces qui constituent en fait la reconnaissance de centres commerciaux qui ouvraient leurs portes le septième jour depuis déjà des années, comme celui de Plan de Campagne. Comme les zones touristiques, elles ont des contours surprenants puisqu'elles sont réservées aux villes de plus de 1 million d'habitants tout en excluant Lyon…
Une telle accumulation de lois et d'exceptions indique à coup sûr le poids des innombrables lobbys intervenant sur la question - élus locaux, grands et petits commerçants, syndicats, associations religieuses, etc. Il y a des entassements comparables dans d'autres domaines où les luttes d'influence sont féroces, comme la fiscalité ou le droit du travail. Au-delà, c'est sans doute la marque du génie national, que l'on retrouve dans une langue française percluse de règles et d'exceptions. Mais cette complexité finit par déboucher sur la paralysie. Il est absurde de vouloir sanctuariser le dimanche dans un pays où 8 millions d'actifs travaillent occasionnellement ou régulièrement le dimanche. Il est aberrant de bloquer le commerce dominical quand les boutiques sont ouvertes 24 heures sur 24. Il est suicidaire de fermer les grands magasins le dimanche dans une capitale mondiale du tourisme. Le Parlement devra revenir sur la question en adoptant des textes simples, clairs et modernes. Ce qui n'empêche pas de préserver l'équilibre entre employeurs et employés, petits et grands magasins, producteurs et consommateurs.
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