Nommer les choses serait les faire exister. Chut, donc… Personne parmi les chefs d’État ou de gouvernement ne prononcera clairement le mot de rigueur. C’est encore tabou. Seuls les Grecs, grevés de dettes, ou les Luxembourgeois, qui s’inquiètent pour leur prospérité, parlent de courage et d’austérité…
Mais il arrive aussi que les choses existent avant qu’elles soient clairement nommées. En France, les interventions de François Fillon, mercredi soir à la télévision, puis jeudi, ont ainsi dissous les derniers non-dits : le premier ministre a prédit des « décisions difficiles » dès le budget de 2011. Sans entrer dans les détails, il a annoncé le gel absolu de la dépense publique, et a chiffré à 5 milliards d’euros le rabotage qui sera opéré dans les niches fiscales. Et n’a guère laissé planer de doutes sur sa volonté de réformer en profondeur les retraites. Pour l’Europe, Angela Merkel avait annoncé la veille devant le Bundestag, et en mettant tout le poids de l’Allemagne dans la balance, que le pacte de stabilité serait réformé « de telle sorte qu’il ne puisse plus être violé ». Ces interventions ne sont en fait que le reflet de tout ce qui se prépare chez tous ou qui a déjà été engagé chez nos voisins les plus menacés, Grèce, Portugal, Espagne, par exemple.
À vrai dire, la nécessité d’agir n’est plus discutée. C’est l’urgence des mesures à prendre qui fait désormais débat. Et le retard pris face à la crise grecque l’a aggravée. Les tergiversations inutiles ont, explique Jacques Delors, « ravivé la spéculation et nourri l’euroscepticisme ». Le déni devant les mesures à prendre par d’autres que les Grecs ne ferait qu’affaiblir encore un peu plus ceux que la même monnaie unit.
Rien ne sert pourtant d’annoncer la contagion, de promettre à tous le destin de cancre de la classe euro. Mettre de la rigueur, au sens rigoureux du mot, là où elle avait fini par manquer, devrait suffire pour parer à l’urgence. Après, les réformes pourront commencer à se déployer dans leur totalité. Pour qu’elles soient efficaces, il faut qu’elles soient équitables, accompagnées d’un contrôle renforcé des marchés financiers et d’une politique des revenus cohérente. Il ne suffit pas de promettre de serrer la vis pour faire un économiste responsable.
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