« The passport must hold, in order to print the visa, a minimum of 1 blank page for short stay applications and 2 blank pages for long stay applications. »
jeudi 18 septembre 2014
Un périple autour du monde : l’arrogance administrative française s’exporte bien
Parce qu’un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, deux frères sont partis sur les routes depuis de longs mois, traversent les frontières, les villes et les campagnes à l’occasion d’un tour du monde à durée indéterminée, sans casques ni golden-parachutes. Au fil de leur voyage, ils livrent leurs impressions sur des expériences qui les ont marqués.
Aujourd’hui, l’ambassade française de Wellington, Nouvelle-Zélande.
Présents à 10h15 pour notre rendez-vous de 10h30, nous n’avons pas été surpris d’être reçus à plus de 11h. C’est même un moindre mal pour une administration. La demande de renouvellement de notre passeport ne sera qu’une simple formalité administrative. Du moment que l’on suit bien toutes les consignes des Cerfa, tout se passe généralement bien. Généralement.
C’est aussi ce qu’a dû penser un ressortissant indien qui avait fait le voyage de Christchurch à Wellington, 600km, 200$ minimum d’avion aller-retour, avec son amie (400$ donc) spécialement pour sa demande de visa (car il faut se rendre sur place…). Ses vacances étaient planifiées, son tour booké, il avait préalablement téléphoné pour confirmer que tout était en règle avec ses documents. Ne lui manquait plus que le précieux sésame qui lui sera délivré rapidement par un personnel dévoué à offrir un service impeccable à ses clients usagers.
Couac
Nous ne prêtons d’abord pas attention au dialogue mais le niveau d’anglais catastrophique du préposé aux visas nous fait rapidement tendre l’oreille. Derrière son guichet, Jérémy Parant tente de communiquer avec un Indien à l’anglais fluent. Les mots sortent difficilement, et entrent très peu. « Do you understand ? » « No »
N’étant pas doué pour les langues, je ne peux pas trop me vanter mais je ne travaille pas dans une ambassade à l’étranger et mes clients australiens avaient toujours le choix de ne pas me payer si mon travail ne leur convenait pas. Je pensais naïvement qu’un bon niveau d’anglais était requis pour ce genre de poste.
Revenons à l’objet d’une discussion animée. Tous les documents avaient été réunis, le passeport était valide, deux pages vierges étaient bien présentes, pas de casier judiciaire. Tout roule. Mais, Jérémy Parant refuse de prendre en charge le dossier, la responsabilité fut trop grande à supporter : les deux pages vierges du passeport n’étaient pas face à face (c’est le couac susmentionné).
Stupeur de notre Indien ! « J’ai appelé vos services, j’ai lu votre site internet, rien n’indique que les deux pages doivent figurer face à face ». Le dossier passe d’un côté à l’autre de la vitre plusieurs fois, rien à faire, pour le personnel de l’ambassade « les règles sont claires ». Oui, mais où ?
À l’heure où j’écris ces lignes, les versions anglaises ne sont pas disponibles en ligne. En cache en revanche, on les retrouve très bien : visa1 – visa2
« In order to print the visa, your passport must have a minimum of two blank page.s »
« The passport must hold, in order to print the visa, a minimum of 1 blank page for short stay applications and 2 blank pages for long stay applications. »
« The passport must hold, in order to print the visa, a minimum of 1 blank page for short stay applications and 2 blank pages for long stay applications. »
C’est clair non ?
Le ton s’éternise et s’envenime logiquement, chacun campe sur ses positions, mais l’usager reste très calme. C’est admirable de rester si calme face à la bêtise. D’une part, ils ont fait la boulette et mettent dans l’embarras un individu qui n’y est pour rien, d’autre part les voyageurs savent bien que les tampons des douanes se posent et se superposent à foison un peu n’importe où et qu’avec un minimum de bonne volonté, tout était réglé dans la minute. Ils admettent bien à demi-mots qu’effectivement ce n’est indiqué nulle part mais bon, hein, quoi, flûte alors, il est pénible. Juste avant le déjeuner, ça coupe l’appétit.
« Who is responsible for that ? Who talk to me at the phone? Is that you ? I want to see the ambassador. »
L’administration passe la seconde
Le pauvre Jérémy ne pouvant se dépêtrer d’un dossier si épineux, un renfort de poids arrive pour régler la situation : madame le consul en personne, Stéphanie Penicaud. La tension monte encore d’un cran. On l’invite à demander un nouveau passeport pour être en règle mais son voyage est prévu dans trois semaines. Il aurait éventuellement pu si on l’avait prévenu par téléphone, à temps. Désespéré par ce mur, il ré-explique en vain sa situation, se plaint que ce n’est pas juste. Réaction immédiate de notre consule : « It’s not fair ? ! But you have to grow up a bit ! »
Oui oui, en plus de ça, ils se permettent de se payer sa tronche. C’est marrant non ? Je crois que mes nerfs auraient définitivement lâché à cette occasion. Lui a haussé la voix, a demandé le nom du consul qui n’a jamais voulu lui donner et a réclamé l’ambassadeur de plus belle. Mais on ne dérange pas son excellence pour des broutilles. Filez, vilains !
J’ai eu honte d’être Français
Deux semaines ne suffiront pas pour refaire un beau passeport en règle et tous le savent. Jérémy tente d’empapaouter l’intrus « vous pouvez demander un laisser-passer en urgence ». Sauf qu’on ne peut pas poser de visa sur un laisser-passer et Jérémy finit par admettre qu’il le sait bien. Tentative échouée. C’eut été bien plus commode de le renvoyer chez lui et lui annoncer par téléphone la mauvaise nouvelle.
L’intrus n’étant pas décidé à partir, nos courageux travailleurs de l’ombre ont fait appel au service de sécurité. Un chauve est arrivé tambour battant pour éliminer le danger. N’ayant pas retrouvé sa tête sur internet, nous ne citerons pas de nom. Et puis, je crois que c’était le plus poli de la bande même s’il a rapidement adopté les arguments de son parti et conduit le récalcitrant dans le couloir. À son crédit, il a repoussé une piteuse tentative de ses collègues qui sont sortis sur le tard avec un papier où était inscrit l’histoire des « deux pages face à face ». « Mais c’était sur le site internet ça ? Non. Donc on ne peut pas lui montrer ça maintenant. »
11h00, je rentre dans le bureau pour me faire scanner les pattes avant. La bonne humeur et la drôlerie m’entourent.
Un des comiques lance « Il ne lâche pas l’affaire, il ne part pas » (il avait décidé d’un sit-in dans le couloir en attendant l’ambassadeur).
Rose Arnasson, la secrétaire qui s’occupait alors de moi, s’envole dans l’humour : « C’est comme les chiens ». J’explique poliment que je comprends la détresse du garçon, qu’il a traversé le pays et qu’à la base, ce n’est quand même pas de sa faute. On fait mine de ne pas avoir entendu.
Notre rendez-vous se termine, nous passons dans le couloir à côté du malheureux et lui proposons notre aide, en pensant qu’un mail à l’ambassadeur de la part de deux Français pourrait peut-être débloquer la situation mais il refuse, ne veut surtout pas quitter les lieux. Le dénouement de l’intrigue, nous ne l’avons pas, mais une trame se dessine : il repartira avec son amie à Christchurch avec une amertume toute particulière envers les Français pendant que vos représentants à Wellington ont repris deux fois des pâtes au déjeuner
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