En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Pas forcément bonnes ou reliées d’une quelconque façon à la réalité, mais on en a. Beaucoup. Trop, même. Et on a d’autant plus d’idées qu’on n’est pas en mesure de les appliquer.
On voit donc de nombreux membres du parti socialiste se désolidariser de leurs camarades pour aller – malgré leur adhésion et leur rôle au sein du parti majoritaire – rejoindre l’opposition. Et là, ils deviennent des génies créatifs, proposent des solutions pour sortir la France de l’ornière. En l’occurrence, il faudrait pour l’opposition autoproclamée une vraie politique de gauche, une politique de gauche qui marche, une politique de gauche authentique, par opposition sans doute à toutes les mauvaises politiques de gauche hétérodoxes qui ne marchent pas qu’ils ont jusque-là appliqué jusqu’à plus soif.
Il est d’autant plus aisé de faire de la politique que les journalistes sont mauvais. Et les politiciens français ont eu la bonne idée d’appliquer à tous ceux qui pouvaient leur être utiles les mêmes recettes qui les maintiennent en place : ils leur ont accordé divers privilèges et avantages pour rendre la concurrence difficile.
Les partis politiques, les syndicats et la presse (entre autres) sont donc financés par l’impôt, avec l’avantage d’accroître les barrières entre insiders et outsiders et de contraindre dans une large mesure les outsiders à se plier aux conditions du politique et devenir des insiders s’ils veulent rivaliser, perdant ainsi non seulement une bonne part de leur crédibilité mais aussi de leur liberté de pensée.
Et les journalistes français sont donc devenus en majorité de mauvais journalistes, au service d’une mauvaise presse, se contentant de remettre en forme et commenter ou orienter des dépêches au lieu de mener un réel travail d’investigation et d’enquête. La position des journalistes politiques en particulier est particulièrement dommageable : pour obtenir de l’information, ils doivent être proches des politiques, au prix de ne pas révéler tout ce qu’ils savent. Les frasques de Dominique Strauss-Kahn, par exemple, étaient connues du milieu journalistique, mais tues. Et aujourd’hui, certaines vérifications a priori aisées pour des journalistes ne sont pas faites, par exemple sur la « rumeur » selon laquelle Anne Hidalgo aurait un enfant de Français Hollande. Cela ne relève plus tout à fait de la vie privée dès lors que les avantages consentis par l’un à l’autre sont financés par le contribuable et que la politique échappe en France à toute mesure de prémunition contre les conflits d’intérêt.
Ils permettent donc à tous les auteurs de déclarations sans fondement et de petites phrases qui sonnent bien mais se révèlent creuses après quelques secondes de réflexion.
Être moderne, ce n’est pas faire du blairo-thatchérisme ringard.
Le « blairo-thatchérisme » est à peu près aussi pertinent que le gorbatchevo-gaullisme, ou que le « stand-up libéral » dont elle, entre autres, accuse Manuel Valls. Mais personne ne songera à lui demander ce qu’elle veut dire par là, pas plus que ce qu’elle appelle de ses vœux, une « écologie de la demande » :
[Il] « faut créer une écologie de la demande, c’est-à-dire remplir les carnets de commandes des entreprises par la réponse aux besoins écologiques ».
Quels sont les « besoins écologiques », et en quoi permettraient-ils de remplir les carnets de commandes des entreprises ? Cécile Duflot se comporte, en bonne représentante de la classe politique française, comme ceux qui veulent passer pour de grands orateurs sans avoir rien à dire : elle utilise des buzzwords et cite quelques noms, et ça s’arrête là.
La construction des partis politiques connaît les mêmes travers. Tous accusent le libéralisme, concept qu’ils ne comprennent absolument pas, des maux qui accablent les Français ; par exemple, pour Debout La République, parti d’opposition légitime puisqu’il ne se fait pas élire,
L’UMP comme le PS ont fini par se rallier à la religion de la libéralisation et du tout marché, imposée par l’Europe qu’ils ont construite. Mais nous constatons depuis quelques années qu’avec cette anarchie économique règne une loi de la jungle où seuls les plus forts sont les gagnants. En cas de crise, les grandes entreprises, et notamment les banques, sont aidées à coup de milliards.
En quoi les aides versées par les États aux grandes entreprises et aux banques sont-elles libérales ? En quoi l’économie d’aujourd’hui, réglementée (pour rappel, l’inflation législative et réglementaire annuelle se mesure non pas en pages mais en kilos), dirigée et marquée par d’innombrables interventions de l’État correspond-elle à une « anarchie économique » ?
Forts de leur ignorance, les partis proposent donc des solutions qui sonnent bien mais n’ont, absolument, rien de positif à apporter. Le parti de Nicolas Dupont-Aignan propose donc par exemple, en matière économique, de :
- Créer une monnaie nationale, contrôlée par le politique, avec des objectifs assez larges (lutter contre l’inflation et contre l’emploi) pour permettre aux politiciens de faire (encore plus) tout et n’importe quoi avec l’instrument d’échange de toute la population ;
- Imposer des barrières douanières et commerciales pour empêcher la concurrence et enfermer la France dans un cocon pour que le retour à la réalité soit le plus lointain et le plus violent possible, que consommateur et citoyen soient privés des bienfaits de la concurrence, et permettre aux politiciens de faire (encore plus) tout et n’importe quoi avec l’économie ;
- Orienter l’épargne, l’investissement, et l’économie pour permettre aux politiciens de faire (encore plus) tout et n’importe quoi avec le financement de l’économie ;
- Planifier l’économie et la recherche, pour que les politiciens fassent preuve de leur incontestable lucidité et qu’ils puissent faire (encore plus) tout et n’importe quoi avec l’avenir de l’économie ;
- Réduire largement l’agriculture à une échelle nationale, pour que les politiciens puissent faire (encore plus) tout et n’importe quoi avec l’agriculture, l’environnement et notre alimentation.
Ce n’est qu’une partie (sur trois) de la politique économique proposée par DLR, elle-même ne représentant qu’un des trois chantiers auxquels Debout La République promet de s’atteler pour mettre à genoux les Français et s’asseoir sur le reste du monde. Comme au sein des autres partis, le programme consiste avant tout à placer encore plus de pouvoir dans les mains des politiciens français, pour répondre à des objectifs prétendument sociaux, environnementaux et économiques.
Alors qu’on peut constater chaque jour un peu plus ce qu’il se passe quand on place – ou laisse – dans les mains des hommes politiques notre avenir et qu’ils président à nos destinées sociales, environnementales et économiques, il ne se trouve personne pour inciter tous ces braves gens à remettre les pieds sur terre, faire acte d’humilité et rendre aux Français les libertés qu’on s’efforce jusqu’à présent de leur confisquer.
Demander aux hommes politiques ce qu’ils veulent dire, ce qu’ils proposent, en quoi cela va améliorer les choses et avec quels principes et mécanismes, permettrait assez rapidement de se rendre compte de leur incohérence et de leur incompétence. Mais on ne le fait pas, et on les laisse s’en sortir avec des affirmations creuses, des petites phrases, des programmes assis sur une base idéologique incohérente et qui, à y regarder de près, fait froid dans le dos.
Quand on pousse ce phénomène à l’extrême, on en vient en France à conduire des entreprises à la faillite au nom d’une « justice sociale » qui n’a de juste et de social que le nom, et ailleurs à promouvoir une idée de la « cohésion sociale » qui passe sous silence le viol de centaines d’enfants.
Pour reconquérir nos libertés, il faut avant tout reconquérir le réel, ce qui suppose de ne pas laisser les politiciens jouer avec – en acte ou en parole. Au commencement, il y a le verbe.
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