samedi 6 septembre 2014
La charge de Philippe Bilger contre le livre de Valérie Trierweiler
Philippe Bilger a pris le temps de lire le livre de Valérie Trierweiler, «Merci pour ce moment». Il nous donne ses impressions sur une œuvre qu'il juge dévastatrice et indécente.
Quel gâchis que ce livre!
Je ne me suis pas contenté des extraits et je suis allé au bout et puis-je dire que je suis à bout?
Il se murmure qu'aux côtés de Valérie Trierweiler, Laurent Binet y aurait contribué, mais cela ne change rien à mon point de vue.
Ces pages écrites dans l'urgence, composées dans le secret et publiées sans vergogne représentent à la fois une sale action et une indécence humaine. Ce n'est pas l'étrange bienveillance quasiment corporatiste dont deux journalistes éminentes duMonde ont fait bénéficier l'ouvrage qui me fera modifier mon appréciation.
J'avoue à ma grande honte que si le président Sarkozy avait pâti d'un tel traitement, j'aurais approuvé celui-ci avec un contentement laid et sadique. Mais force est de reconnaître qu'il a su mieux choisir et aimer que François Hollande. Cécilia Attias a écrit sur son ex-époux avec délicatesse et dignité et à un moment qui ne prêtait pas à équivoque et à polémique. Je n'imagine pas une seconde que Carla Bruni-Sarkozy, si son couple venait à se séparer, abandonnerait son occupation principale - parvenir à faire entendre sa voix et ses chansons - pour se livrer à une telle charge vulgaire.
Je comprends l'attitude de ceux qui à gauche comme à droite s'indignent devant ce déballage. Stéphane Le Foll, Claude Bartolone, Hervé Mariton et Nicolas Dupont-Aignan, notamment, ne le liront pas. Il n'y a que Brice Hortefeux, hypocrite, qui déplore tout en se félicitant de l'image négative donnée du président.
Pour ma part, contrairement à certains critiques, je préfère lire avant de juger.
Que cette chronique subjective et aigre soit le fait d'une «favorite répudiée» ulcérée plus que jamais de l'avoir été ne rend pas forcément absurde et partial l'ensemble de sa vision de François Hollande.
Que son entreprise ait été largement rémunérée et élaborée selon un processus qui révélait que Valérie Trierweiler avait évidemment conscience de ses effets ravageurs et qu'elle les désirait ne prive pas cependant de pertinence toutes ses analyses.
Etait-il toutefois absolument nécessaire de s'abandonner à cet exhibitionnisme dévastateur pour que la personnalité de François Hollande, pour ceux qui ont un peu le sens de la psychologie, soit enfin dévoilée? Faut-il être d'une sagacité indépassable pour deviner ce qu'il y a dans l'être intime de notre président à la fois de faiblesse et d'autorité, de peur, de méfiance et de défiance et en même temps d'aptitude au bonheur et de goût de la séduction? Est-il si difficile de percevoir que chez lui, comme chez tout séducteur qui sait ne pas pouvoir compter exclusivement sur lui mais sur l'aura et le pouvoir qui l'entourent, il y a eu et il y aura une part de misogynie? Convient-il d'être bouleversé parce qu'on nous affirme qu'il lui arrive de mentir dans l'intimité et d'être lâche quand il choisit de répondre à une question gênante par une désinvolture de fuyard? Il est obsédé par les sondages qui baissent et par les médias, paraît-il. Quelle nouvelle!
Le président de la République ne sort pas grandi par la relation de petites choses qui, en effet, font de lui moins un homme normal qu'une personnalité tristement banale.
Mais pour le reste qui est l'essentiel? Le quolibet - les «sans-dents» - qui manifesterait sa dérision à l'égard des pauvres, son mépris de la famille Massonneau, sa sécheresse et sa volonté permanente de la laisser sur «la touche», l'illégitimité qu'elle ressentait et qu'il aggravait, leur projet de mariage brutalement avorté parce qu'il avait commencé sa liaison avec Julie Gayet?
Pour ma part, aussi déplaisant que puisse apparaître François Hollande à ses adversaires et sans doute à nombre de ses alliés et soutiens - il lui en reste un peu! -, il me semble extravagant de lui imputer ce cynisme, cette haine, cette condescendance à l'encontre des humbles et des modestes, de lui refuser sa sincérité contre la misère, sauf à donner à des échanges provocateurs privés, qui peuvent surgir chez nous tous, une dimension politique et sociale sérieuse.
La version de Valérie Trierweiler est-elle d'ailleurs exacte? L'Elysée dément et conteste ces allégations. On comprend que François Hollande soit «atterré»: on le serait à moins sans que cela valide en quoi que ce soit les coups ciblés de cette dernière. Même si elle n'a pas eu tort de mettre en lumière les ambiguïtés de l'histoire amoureuse et politique entre Ségolène Royal et François Hollande, j'attache cependant infiniment plus de crédibilité à celle qui a été sa compagne durant longtemps, la mère de ses enfants et qui est autant imprégnée d'humanisme que Valérie Trierweiler. Ségolène Royal a formellement contredit cette image d'un François Hollande sarcastique et dédaigneux des affres de la misère.
Ainsi, une compagne du président durant vingt mois à l'Elysée, majoritairement détestée par les Français, écrirait un livre et elle devrait être crue sur parole? Oublie-t-on qu'elle a trouvé le moyen de commencer à affecter sa présidence par un comportement ridicule à la Bastille le 6 mai 2012, qu'elle a sciemment dégradé l'autorité présidentielle le 12 juin 2012 par son tweet de soutien à Olivier Falorni et qu'elle n'a cessé de répéter par la suite qu'elle était en train de s'habituer à son nouveau statut sans qu'à l'évidence elle y parvienne? Faut-il alors s'étonner que François Hollande, échaudé, ait eu tendance à se mettre à l'abri en tentant autant que possible de l'exclure, elle, de moments officiels importants et même d'une rencontre avec Nelson Mandela? Est-il choquant de se mettre à la place de François Hollande en l'approuvant d'avoir favorisé sa tranquillité personnelle au détriment d'une emprise jalouse et d'une susceptibilité souvent blessée?
La pantalonnade de la rue du Cirque, ce qu'elle révélait de la vie intime du président, certes, n'étaient pas reluisants, et la France était moquée comme si elle était dans le placard de ce vaudeville. La souffrance, l'humiliation de Valérie Trierweiler étaient évidemment authentiques, mais heureusement passagères, puisque l'indécence de ce livre, pour une femme qui avait bataillé pour l'intimité de leur vie privée, montre qu'elle s'est guérie par une lamentable vengeance. On sait que l'arrangement financier dont elle a bénéficié lors de son départ de l'Elysée le 25 janvier 2014 n'était pas à son désavantage et qu'il semblait exclure tout livre de ce type et en de telles circonstances où elle jouit de son coup de force éditorial.
La focalisation sur les attaques perfides qu'elle distille l'ont fait réagir et affirmer qu'elle avait éprouvé «une vive admiration» pour le président et qu'elle ne regrettait rien. L'amante offensée qui a écrit cherche à faire illusion: ce serait la journaliste qui devrait avoir le dernier mot! Et on a droit à «… Je ne compte plus ses reniements. Sait-il encore où est sa gauche?» Mais l'apothéose est toute de nostalgie et de passion: «Puis-je seulement avoir été aimée autant que j'ai aimé»!
Comme c'est grand, sincère et émouvant! Le fin mot de tout cela n'est-il pas, derrière la mousse apparente, de montrer qu'elle serait encore désirée par cet inconstant qui lui aurait transmis la bagatelle de 29 SMS le 3 juillet 2014 et qui aspirerait «à la regagner comme une élection» .
Mais, pour qui a ce livre entre les mains, c'est une honte. Il ne lui demandait que d'être belle: il pressentait que le pire était à venir.
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