- Ne pas changer est dangereux,
- C’était toujours moins bien avant,
- Il suffit de changer pour que ce soit mieux.
mardi 30 septembre 2014
Discours politique : le sens des mots
L’amputation du contenu sémantique de l’expression politique de relance ne suggérerait-elle pas combien notre pays est devenu veule, et notre classe politique velléitaire ? S’il y a un discours essentiel et décisif, c’est bien le discours politique. Or dans tout discours, il y a des signifiants et des signifiés, et les relations entre les deux sont déterminantes. Si le discours politique n’est pas exact ou complet dans le choix de ces relations entre les mots et les concepts qu’ils véhiculent, il y a alors un risque pour la société, celui de lui cacher la vérité et de l’induire en erreur. Le discours politique d’aujourd’hui utilise de nombreux termes qui pourtant ne sont pas ou plus judicieusement connotés. Certains mots ne sont même plus perçus que péjorativement. Leur signifié initial et légitime se trouve biaisé, presque ostracisé. Les linguistes parlent dans ces cas-là de glissements sémantiques et de connotations.
Plusieurs termes actuels se retrouvent au centre du débat, et charrient des thèmes qui sont devenus de véritables boules puantes. Il est donc bénéfique de rappeler l’origine de ces termes, leur champ sémantique originel. Car les décalages dont souffrent ces termes ne sont jamais neutres. Ils font partie du discours politique dominant. Ils en trahissent les velléités. Les révéler permet d’en savoir un peu plus sur les valeurs de notre société. Tel est l’objectif de cette courte analyse.
Conservateur versus progressiste
Ce mot de conservateur n’a pratiquement plus, chez nous en France, la moindre connotation positive. Un conservateur, c’est quelqu’un qui est contre le progrès. C’est un notable la plupart du temps de droite qui ne veut rien changer et qui s’oppose aux réformes dont il a finalement tout à perdre. Le contraire de conservateur est progressiste. Pour prendre une comparaison dans l’univers de la religion catholique, et en simplifiant bien sûr, on pourrait avancer que les progressistes sont favorables à ce que les femmes puissent dire la messe. Tandis que les conservateurs ne le sont pas.
Il est évident que cette répartition manichéenne entre conservateur et progressiste atteint vite ses limites : les sociétés n’ont pas toujours évolué dans la bonne direction. Lorsque des évolutions proposées par les progressistes sont dangereuses, c’est le terme de conservateur qui devrait être positivement connoté. Imaginons que notre pays fasse actuellement fausse route sur bien des sujets de société. Combien d’années faudra-t-il au mot conservateur pour qu’il retrouve de son éclat ? Ce sera probablement trop tard…
En fait, la supériorité apparente du terme progressiste trahit un parti pris solidement ancré dans notre société, et qui sera difficile à changer. Ce parti pris se résume en cette très simple équation :
Tout compte fait, le statut sémantique des mots progressiste et conservateur ne prouverait-il pas un certain angélisme de notre société ?
Libéral versus socialiste
Cette opposition libéral/socialiste est certainement la plus grosse imposture sémantique actuelle. Sans détour, on peut dire que chez la plupart des Français, libéral signifie sans pitié, prêt à paupériser les faibles et les fragiles, prêt à s’enrichir sur leur dos. Tandis que socialiste, bénéficiant de surcroît de la racine social, signifie à peu près l’inverse : solidarité, entraide, oblativité…
Au-delà du fait que cette antinomie semble inoxydable, puisqu’elle s’est créée à l’abri de l’épreuve des faits (il est en effet difficile de trouver des justifications historiques à cette préférence pour le socialisme tel qu’il est connoté en France aujourd’hui), il est amusant de se rappeler l’origine sociale (pour ne pas dire socialiste) du libéralisme. Ce courant a suffisamment été porté par certains de nos plus grands auteurs (Sand : Le compagnon du tour de France, Stendhal : Le rouge et le noir, etc.) pour que l’on puisse affirmer qu’il partait du souhait de rétablir l’égalité entre les dominants et les dominés, entre la noblesse et le peuple, entre les riches et les pauvres. Inversement, rétrospectivement, le socialisme se trouve associé à des événements de l’histoire qui ne sont pas particulièrement reluisants (la lecture de La route de la servitude de Hayek est édifiante à ce sujet) mais son contenu sémantique ne semble toujours pas en souffrir.
Cette méprise, que l’on pourrait qualifier de diachronique, est double : toujours valoriser le courant socialiste, quel que soit le contexte du moment, est une erreur grave. Ainsi, dans un pays asphyxié par l’omniprésence et l’obésité de son État, militer pour accroitre le socialisme est aussi stupide que de militer pour accroître le libéralisme dans un pays qui n’a pas assez d’État. Tout est une question de réglage, et d’opportunité. Le contexte évolue. La pertinence de telle ou telle politique n’est jamais figée dans le temps…
Alors, pourquoi le mot libéral est-il si mal connoté en dépit de son origine historique et d’un contexte français actuel qui devrait au contraire le rendre attirant ? Un tel dérapage sémantique ne démontrerait-il pas un certain aveuglement idéologique ?
Politique de relance
En France, par expérience, que ce soit chez nos hommes politiques ou chez la grande majorité des journalistes, le syntagme (figé) politique de relance est systématiquement associé aux mesures d’État, c’est-à-dire aux mesures prises en accompagnement de l’économie réelle afin de pousser la demande en biens et en services. Cette politique d’accroissement de la demande est soit basée sur l’aide directe aux ménages (baisses d’impôts, primes, baisses de charges, aides à l’achat), soit sur l’aide aux entreprises pour qu’elles recrutent (baisses des charges, incitations, emplois « aidés », postes dans la fonction publique).
Cela fait d’ailleurs depuis plus de 30 ans que nos gouvernements successifs déclinent jusqu’à plus soif l’acception du terme de relance de la demande, avec les résultats que l’on sait : lorsque l’aide s’interrompt, le soufflé retombe exactement comme avant. Ce n’est que du court terme. Pire, ce n’est que de la cosmétique puisque cela ne masque les symptômes que le temps de la cure…
Malgré le peu d’efficacité de ces mesures, pourquoi donc politique de relance ne signifie jamais relance de l’offre ? D’où peut provenir un tel parti pris sémantique ? Sans prendre trop de risques, il est possible d’avancer une explication toute simple : relancer la demande est facile, c’est une mesure conservatrice qui ne touche à rien dans l’économie d’un pays, il ne s’agit que de redistribuer (keynésianisme) de l’argent, par des saupoudrages plus ou moins ciblés avec bonheur. Tandis qu’une politique de l’offre implique une remise en question des blocages et des limites de l’économie du pays, elle impose des réformes douloureuses, elle nécessite à la fois du courage chez les politiciens et de l’abnégation du côté des agents économiques. Car ses résultats n’apparaissent qu’au bout d’un certain nombre d’efforts, et c’est certainement là le nœud du problème…
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