La «combinaison toxique» d'un montant record de dette et du ralentissement de la croissance signifie que l'économie mondiale se dirige vers une autre crise, affirme le 16ème Genova report, un rapport annuel écrit par un panel d'économistes pour le compte du Centre international d'études monétaires et bancaires, et qui est publié ce lundi.
Les auteurs, parmi lesquels on trouve trois ex-patrons de banque centrale, expliquent que les taux d'intérêt devront rester faibles à l'échelle mondiale pendant « très très longtemps », pour permettre aux différents agents économiques de continuer à payer leurs intérêts et éviter une nouvelle crise grave. L'avertissement intervient alors qu’aux Etats-Unis, la patronne de la Fed, Janet Yellen, vient d’annoncer une remontée progressive des taux d’intérêt.
Le rapport indique que l’endettement global, privé et public confondu, est passé de 160% du PIB en 2001 à près de 200% en 2009 et de 215% en 2013 :
Contrairement à ce que l'on croit généralement, le monde n’a toujours pas commencé à se désendetter et le ratio de la dette mondiale comparée au PIB continue d’augmenter, brisant en permanence de nouveaux records ».
Dans ma carrière, j'ai vu tant de soi-disant «miracles économiques» -l’Italie dans les années 1960, le Japon, les tigres asiatiques, l'Irlande, l'Espagne et maintenant peut-être la Chine - et tous se sont achevés sur une montagne de dettes. »
Selon Buttiglione, le schéma est toujours le même : la croissance de ces économies les incite à emprunter, ce qui maintient leur croissance alors que les facteurs sous-jacents qui en avaient été à l’origine au départ ont épuisé leurs effets.
Le rapport souligne que certains pays, qui se caractérisent par un endettement élevé et une croissance molle, sont particulièrement vulnérables : l’Europe du Sud, la zone euro et la Chine.
Dans un e-mail à la rédaction Steen Jakobsen, économiste en chef de Saxo Bank, cite un proverbe yiddish : «L'intérêt sur la dette grossit sans nécessiter de pluie ». Il confirme les grandes lignes du rapport de Genève :
Ce proverbe indique l’essentiel de ce qui se passe dans les cercles politiques aujourd'hui. Nous assistons maintenant à l’épisode IV du « Faisons perdurer et faisons semblant » : Promesses d'amélioration, alors que les dettes continuent de s’accumuler. (…) Faire semblant d’avoir un plan crédible, mais ne jamais tenter de régler les problèmes structurels et continuer d’acheter encore plus de temps. (…)
Il est évident qu’acheter plus de temps (faire perdurer) est toujours la priorité numéro un, suivie de la projection (faire semblant) qu’une croissance très attendue atteindra une trajectoire encore plus élevée pour faire rentrer le budget dans les contraintes supposées. Ou, comme dans le cas de la France, l’abandon récent du respect des objectifs budgétaires pour les deux prochaines années est déjà un fait accompli. (…)
Dans le secteur privé, un tel comportement pourrait vous coûter votre emploi, mais dans le modèle économique de l'année 2014 qui évoque davantage l'Union soviétique qu'une économie de marché – c’est devenu la chose la plus normale du monde. Mais beaucoup pourront protester que cela serait encore pire si nous n’en avions pas tant fait pour « sauver le système », non ?
Eh bien, peut-être, sauf que ces pays où la foi en un capitalisme d’Etat est la plus forte : la Russie, la Chine et la France, sont tous en fin de course. (…) La productivité est négative, on constate des fuites de capitaux, et le système construit pour protéger une élite est en échec. »
Jakobsen, qui rentre d’Asie, affirme que ce qu’il a constaté à Singapour témoigne parfaitement de ce phénomène :
Pour moi, Singapour incarnait l'exemple de business model le plus rationnel de la planète. Son fondateur Lee Kuan Yew a été l'un des plus grands hommes d'État de l'histoire. Mais aujourd’hui, la productivité s’effondre à Singapour. Comme nous, ils sont en train de devenir le Monaco du monde, une économie basée sur la consommation, et non sur la productivité et la croissance.
Les économies développées sont en train de vieillir sur le plan démographique, mais nous ne sommes pas encore assez raisonnables pour comprendre que notre modèle actuel est une chaîne de Ponzi et que nous nous dirigeons vers son inévitable moment de Minsky (lorsque l'argent généré par des actifs ne suffit plus pour assurer le service de la dette contractée pour payer ces actifs).
Aucun politicien ou banquier central ne dit la vérité telle qu’elle ressort des simples chiffres et tous espèrent que tout va bien se passer. Mais l'espoir n’est pas une bonne politique, et il ne faut le réserver qu’à l'église, pas à l'économie réelle. »
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