lundi 7 juillet 2014
“Vous êtes fous, les Français”
Les Algériens tolèrent-ils chez eux ce que nous devrions tolérer chez nous ? Non. On ne porte pas non plus un maillot bleu en même temps qu’un vert.
Il faut souhaiter que la fête continue le plus longtemps possible. Une vraie fête, pas des folies. Après la victoire des Bleus contre les Nigérians, lundi soir, il était ainsi question que le président de la République se rende à Rio, ce vendredi, pour assister au match de quart de finale France-Allemagne. Son cabinet démentait cela dès mardi matin en faisant savoir qu’il devait se consacrer à la préparation de la conférence sociale des 7 et 8 juillet. L’enthousiasme était tel avant la rencontre France-Nigeria qu’une autre rumeur avait couru, toujours à propos de l’Élysée : on y étudiait la possibilité, disait-on, au cas où les Bleus iraient en finale le 13 juillet, de permettre à François Hollande d’aller au Brésil, ce qui aurait conduit à déplacer au 15 les cérémonies du 14 Juillet ! On était dans la pure extravagance. Mais que cette information ait pu courir durant quelques heures en dit long sur le discrédit de l’exécutif et le désarroi de l’opinion publique dans ce pays.
L’Algérie ne rencontrera pas la France à la Coupe du monde. Le ministre de l’Intérieur et les préfets ont dû souffler. Depuis le 17 juin, chaque match joué par l’équipe d’Algérie aura donné lieu à des incidents, de ville en ville. Il y avait eu 14 interpellations le 22 juin, 74 le 26 ; il y en a eu 128 dans la nuit de lundi à mardi (et 186 véhicules brûlés) ! Les incidents les plus graves se sont déroulés le soir de la qualification des Algériens le 26. À Paris, les rassemblements de jeunes casseurs brandissant des drapeaux algériens eurent lieu au début de la nuit autour de l’Arc de triomphe.
Un taxi, conduit par un chauffeur haïtien, remontait l’avenue de Wagram, embouteillée ; redoutant le pire, il se dégagea par une voie adjacente. Arrivés en scooters, des dizaines de “jeunes”, agissant sans casque ni cagoule, à la vue de tous, brisaient méthodiquement les vitres des voitures à la barre de fer. Des groupes de CRS, en tenue antiémeute, s’échelonnaient le long de l’avenue, sans bouger. C’était l’ordre qu’ils avaient reçu. Ne pas réagir, sauf cas de légitime défense, de peur d’enflammer la situation. « Vous êtes fous, les Français », s’exclama le chauffeur haïtien devant le spectacle. Il ajouta : « Ce n’est pas ça, la démocratie ! » Le dispositif policier s’était voulu dissuasif ; il ne l’était plus. Il fallait désormais qu’il fût massif. Lundi soir, on a déployé 7 000 policiers et CRS.
À Nice, le maire, Christian Estrosi, a fait valoir ses pouvoirs, en interdisant par arrêté la présence de tout drapeau étranger sur les bâtiments et la voie publique les soirs de match. La médiasphère s’est aussitôt mobilisée pour l’accuser de lepénisme. Mais il avait pour lui la population de la ville et le soutien de l’opinion. Les Algériens tolèrent-ils chez eux ce que nous devrions tolérer chez nous ? Non. Pas plus que l’on imagine des manifestations avec drapeaux français à Alger.
Dans la sélection algérienne des Fennecs, qui a donné tant de mal à l’équipe allemande en huitième de finale, 17 des 23 joueurs sont nés en France. Cela fait deux Franco-Algériens sur trois, qui ont grandi en France, ont été instruits dans nos écoles, encadrés par nos enseignants et nos moniteurs, dans des centres de formation qui en ont fait des sportifs brillants. Ils le savent ; certains le reconnaissent et en sont fiers. Huit d’entre eux faisaient partie de l’équipe de France junior. Et puis, adultes, ils ont choisi librement d’adopter le maillot algérien, puisque les règles internationales et les lois nationales l’autorisent.
Choisir le maillot d’une nation n’est pas neutre, c’est aussi porter ses couleurs. Pourquoi ne pas en tirer les conséquences ? Le maillot emporte la nationalité. Tout membre d’une sélection nationale peut évoluer dans n’importe quel club du monde, mais on ne peut pas porter à la fois un maillot bleu et un maillot vert. On ne voit pas pour quelle raison ce qui vaut pour le sport ne s’appliquerait pas pour la nationalité. En Allemagne, au bout de dix ans, un “binational” adulte doit choisir sa nationalité. En France, on veut tout et son contraire.
M. Benoît Hamon est sûrement un grand supporter des Bleus, comme le sont ses conseillers et ses pédagogues. Applaudir aux exploits des Bleus signifie applaudir à une sélection des meilleurs, au terme d’un long processus de formation et d’entraînement. Parmi eux, rien ne compte que l’effort et le mérite. Eh bien, ce qui est bon pour les Bleus ne l’est pas à l’école. En classe, au contraire, le ministre de l’Éducation nationale ne pense qu’à une chose : non pas encourager les meilleurs, mais ne pas donner de mauvaises notes aux cancres. Cela risquerait de les “traumatiser” et même de les “stigmatiser”. Vous êtes fous, les Français.
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