jeudi 27 mars 2014
Un gouvernement étranglé
Après deux ans de gestion chaotique, et cette ponction fiscale massive dont il paie le prix, Hollande doit trouver 50 milliards d’économies, sans le soutien de l’élection…
Amplification. Au fur et à mesure que tombaient les résultats du scrutin municipal ce dimanche soir se révélait l’ampleur de la vague de rejet. Ampleur de l’abstention, incluant une bonne partie du “peuple de gauche” qui ne s’était pas déplacée. Ampleur de la sanction nationale qui s’exprimait partout dans le choix des candidats de droite. Ampleur du vote Front national dans ses implantations géographiques. Ampleur de la surprise des dirigeants du Parti socialiste et des membres du gouvernement, découvrant progressivement la dimension de leur défaite, jusqu’à appeler le président de la République à interrompre sa présence au sommet du G7 pour rentrer à Paris. Ce n’était pas la première fois que soufflait un vent de panique à l’Élysée ; cette fois il était électoral. Et l’on ne voyait pas ce qui pouvait calmer la tempête annoncée au second tour. À droite, les dissidences disparaissaient, laissant l’UMP et le Front national face au PS : il ne s’agissait plus que de placer les candidats de la gauche en seconde ou troisième position pour consacrer sa défaite.
Cette défaite, le président de la République, le premier ministre, le ministre de l’Intérieur la redoutaient. Ils avaient fini par croire qu’ils parviendraient à la contenir, en faisant pleuvoir sur Sarkozy et l’UMP cet ouragan de procédures judiciaires ; le premier ministre avait porté le cynisme jusqu’à lancer un appel de dernière heure contre le Front national dont il espérait bien faire une autre arme contre la droite classique. Cette double manoeuvre n’aura provoqué qu’un violent retour de flamme, braquant l’électeur de droite, qui n’a pas voulu se laisser faire. Quant aux triangulaires, qui avaient fait le succès de la gauche, elles sont destructrices pour la droite quand la gauche est en tête, mais elles le sont pour la gauche quand celle-ci est derrière.
Voilà le gouvernement étranglé. Avec 20 ou 25 % de confiance dans l’opinion, l’exécutif avait peu de chances de maintenir ses positions. C’est maintenant un jeu de dominos qui le menace : il va perdre sa majorité au Sénat, puis celle des assemblées départementales et régionales. C’est un affaiblissement durable sur le terrain auquel il devra faire face. Nicolas Sarkozy sait quels efforts cela réclame ensuite pour remonter la pente.
Si François Hollande a estimé qu’il y avait en effet urgence à rentrer à l’Élysée cette semaine, avant l’arrivée du président chinois (dont la visite avait été prévue au temps où ces élections ne devaient porter que sur des “enjeux locaux”), c’est qu’il devait se livrer à un exercice qu’il n’aime pas : prendre une décision forte. Le problème est qu’il n’est pas maître du jeu. L’électeur de gauche lui réclame une “autre politique” qu’il ne peut pas lui consentir parce qu’il n’y a pas d’alternative à la politique qui lui est imposée, avec son assentiment, par Bruxelles (la France est mise “sous surveillance renforcée”). Il a fini par lui donner un nom, le “pacte de responsabilité” — qui est d’abord sa responsabilité. Après vingt-deux mois de gestion chaotique, contradictoire, de la politique économique, sans autre résultat qu’une ponction fiscale massive dont il paie le prix ces jours-ci, il lui faut trouver 50 milliards d’économies sans avoir la majorité électorale pour cela.
Ne pouvant changer de politique, va-t-il changer les hommes pour la conduire ? Deux ans après son arrivée au pouvoir, François Mitterrand avait pareillement été sanctionné aux municipales de mars 1983 (à l’époque, l’abstention était de 20 %). Lui aussi était lié par les déficits budgétaires. Le second tour avait eu lieu le 13 mars ; le 22, Mitterrand changea le gouvernement, mais pas le premier ministre, Pierre Mauroy. C’est le scénario espéré par Jean-Marc Ayrault. Sera-ce le “choc” de nature à limiter la casse aux élections européennes du 25 mai ? Mauroy ne survécut qu’un an avant de devoir céder la place à Laurent Fabius lors de la crise suivante, en juillet 1984. Une crise de société (l’affaire de l’école libre) qui prenait la suite des crises économiques et budgétaires précédentes.
François Mitterrand avait du temps devant lui. François Hollande n’en a pas : le quinquennat ne lui en offre plus le confort. La loi de finances qu’il est en train de mettre au point est celle de 2015, et l’année suivante se préparera déjà la présidentielle. Sa pente naturelle le conduit à ne rien vouloir changer. Au mois de mars 1983 déjà, l’éditorialiste du Monde, François Renard, écrivait après la séquence municipale : « L’historien politique constaterait, une fois de plus, qu’il y a deux moyens de renverser un pouvoir : l’action de l’opposition ou l’optimisme aveugle et obstiné de la majorité. Il n’est pas certain que le dernier de ces moyens ne soit pas le plus rapide, ni le moins sûr. »
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