Friche industrielle. Entre 2009 et 2011, 880 sites ont fermé, représentant une perte nette de 100 000 emplois. Photo © MaxPPP
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vendredi 17 janvier 2014
Économie : le grand décrochage
Faillite. Combien de temps encore la France restera-t-elle la cinquième puissance mondiale ? Le Royaume-Uni et la Russie la talonnent. Faute de se réformer en profondeur, notre pays s’enfonce dans les classements internationaux.
Richesse nationale, commerce extérieur, revenu des ménages, part de la France à l’export, taux de marge des entreprises… La France décroche, contrairement à ce que François Hollande et Jean-Marc Ayrault tentent de nous faire croire depuis un an et demi. Déjà en 2007, François Fillon, alors premier ministre, reconnaissait être « à la tête d’un État qui est en situation de faillite » ! Il n’avait pas vraiment tort : les statistiques montrent un ralentissement de la plupart de nos indicateurs économiques, tandis que la France s’enfonce inexorablement dans les classements internationaux.
Dégradée par les agences de notation (Standard & Poor’s et Moody’s), la France a perdu son triple A et court derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Finlande, le Canada, le Danemark, Singapour et la Suisse. Encore cinquième puissance mondiale — mais pour combien de temps ? —, la France vient d’être épinglée par une étude publiée par le Centre for Economics and Business Research (CEBR) britannique, qui prédit un bouleversement des économies mondiales. En 2028, la France pourrait se situer au 13e rang. « Elle s’affirmera comme le pays dont l’économie sera la plus compliquée d’Europe et deviendra le principal obstacle à la réussite de la zone euro », prédit Douglas McWilliams, du CEBR.
Notre croissance en berne
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis le début des années 1970 et la fin des Trente Glorieuses, la croissance de la richesse nationale française ne fait que ralentir. À 3,7 % en moyenne pour la décennie 1970-1980, elle devrait être tout au plus de 0,2 % en 2013. En cause, notamment, une contribution négative et persistante du commerce extérieur, et l’ampleur des déficits. « La reprise sera poussive », prédit aujourd’hui l’Insee, qui anticipe une croissance de 0,2 % pour les six premiers mois de 2014 et de 0,9 % pour l’année. Le gouvernement est quant à lui un peu plus optimiste, tablant sur une hausse de 1 % de la richesse nationale. Principales raisons de cette atonie, une stagnation du climat des affaires, notamment dans les PME, et de la consommation des ménages en raison d’un manque de visibilité sur l’avenir et surtout de la hausse de la fiscalité.
Que le PIB progresse de 0,2 %, de 0,9 % ou de 1 %, l’évolution sera dans tous les cas bien inférieure à celle enregistrée chez la plupart de nos voisins européens et aux États-Unis, qui devraient afficher une hausse de 3 % de la croissance, grâce notamment au gaz de schiste. Elle sera de toute manière insuffisante pour permettre une progression sensible du niveau de vie des Français, pour garantir le financement du système social et pour soutenir durablement l’emploi : au-dessous de 1 % il n’y a pas de création d’emploi, et au-dessous de 1,5 % il n’y a pas d’inversion de la courbe du chômage.
Le plongeon dans la zone euro
Les chiffres sont décidément têtus… et cruels. Particulièrement lorsque l’on se penche sur une comparaison des parts de marché à l’export de la France avec le reste de la zone euro. En dix ans, de 2000 à 2010, la part de marché française a littéralement décroché, perdant 3,5 points et enregistrant le plus fort recul des pays de la zone euro. Chaque point (1 % du total des exportations européennes) représente 38 milliards d’euros.
Pour la même période, les parts de marché à l’export de l’Espagne et de l’Autriche augmentaient légèrement et celles de l’Allemagne s’envolaient, de 3,6 points. C’est-à-dire que l’écart de part de marché entre la France et l’Allemagne s’est creusé de 250 milliards en dix ans, soit l’équivalent de 13 % de notre PIB !
De 2000 à 2012, la part de la France dans les exportations de biens et de services de la zone euro est passée de 17 à 13 %. Si elle avait maintenu sa place au sein de la zone à son niveau de l’année 2000, ses exportations de biens et de services seraient supérieures de 155 milliards d’euros. Soit 7,6 points de PIB…
Des résultats calamiteux dans une zone qui a la même monnaie, doit faire face aux mêmes pays émergents, aux mêmes conditions de délocalisation, aux mêmes fluctuations des prix des matières premières et de l’énergie…
Le commerce extérieur en chute libre
Le dernier excédent de notre balance commerciale remonte à 2002 : il était de 3,5 milliards d’euros. Déjà peu brillant avant la crise de 2008, notre déficit commercial s’est fortement dégradé depuis : plus de 51 milliards en 2010, 74 en 2011, record absolu dans l’histoire des échanges commerciaux. La petite amélioration constatée en 2012 (67 milliards de déficit) reste la deuxième plus mauvaise performance de notre balance commerciale. L’apparente amélioration ne résulte pas d’une accélération de nos exportations mais d’un net ralentissement des importations, parce que les Français consomment moins. Les chiffres bénéficient aussi de la signature de quelques gros contrats de nos derniers leaders industriels, comme Airbus. En 2012, les importations n’ont progressé que de 1,3 % comparé aux 12,3 % de 2011. Cette tendance se poursuit en 2013, avec un déficit de 60 milliards, également en baisse grâce à la chute des importations. La machine à exporter des entreprises françaises est en panne et perd du terrain.
Notre industrie en voie de disparition
La dégradation de notre appareil productif va s’accélérant. Les chiffres font frémir : de 1980 à 2007, la France a perdu 36 % de ses effectifs industriels, soit 1,9 million d’emplois, pendant que le poids de l’industrie dans le PIB passait de 32 à 20 %. Une tendance tellement lourde qu’elle n’est même pas stoppée pendant les périodes de croissance, où le rythme des pertes d’emplois est tout juste ralenti. Selon l’observatoire Trendeo, 880 annonces de fermeture de site industriel ont été enregistrées de 2009 à 2011, représentant une perte nette de 100 000 emplois. En 2012, 20 000 emplois ont été supprimés dans l’industrie manufacturière, 266 usines ont mis la clé sous la porte. Les premières tendances indiquent que le mouvement s’est encore amplifié en 2013. Tous les secteurs sont touchés, à part le luxe et l’aéronautique. Aux premiers rangs, l’industrie automobile, la pharmacie, le high-tech, la chimie et la métallurgie.
De nombreux économistes français ont justifié cette tendance en soutenant, ces dernières années, que l’industrie n’avait plus d’avenir dans les pays développés. Faux ! En Allemagne, en Autriche, en Suède, mais aussi en Finlande, l’industrie continue à prospérer, ces pays enregistrant une amélioration de leur potentiel industriel depuis 2000. En 2011, la production industrielle en France était inférieure de 7 % à celle de 2005 alors que, pour la même période, elle a progressé de 11 % en Allemagne.
La chute continue : l’activité industrielle en décembre, selon le cabinet Markit, a progressé dans tous les pays de la zone euro — sauf en France, où elle a reculé, atteignant son plus bas niveau depuis sept mois.
L’agriculture dépassée
Depuis 1980, la part de l’agriculture et des industries alimentaires dans l’activité économique française a diminué de plus de moitié. La part française dans la production agricole de l’Union européenne (18,1 %) n’a cessé de se réduire. La France est désormais dépassée par l’Allemagne et les Pays-Bas en tant qu’exportateur agricole et agroalimentaire.
Les élevages bovins sont les plus touchés par le déclin agricole. Depuis 1983, année précédant l’instauration des quotas laitiers, le nombre de vaches laitières a quasiment été divisé par deux, à 3,6 millions de têtes. Entre 2000 et 2010, le nombre d’exploitations laitières a baissé de 37 %. Dans certaines régions de France, comme dans le Sud-Ouest, on compte une installation d’un jeune éleveur pour sept départs à la retraite : la baisse du nombre d’exploitations laitières approche les 50 % entre 2000 et 2010. En trente ans, le nombre de fermes à détenir des bovins a chuté de 67 %.
En 2013, le revenu annuel moyen des agriculteurs s’est établi à 29 400 euros, en baisse de 19 % sur un an. Les disparités par types de production sont extrêmement fortes. Les viticulteurs s’en sortent bien (52 600 euros en moyenne) tandis que le revenu des éleveurs de bovins pour la viande s’établit sous la barre des 20 000 euros par an. Dans les exploitations ov nes et caprines, elles aussi en chute libre, le revenu a reculé l’an dernier pour la troisième année consécutive pour s’établir à 17 600 euros.
Dans l’aviculture, la baisse de la production est inouïe : le nombre de poules élevées en France a chuté de 34 % en trente ans. Les importations d’oeufs sont passées de 31 milliers de tonnes en 1980 à 138 millions en 2012 ! Preuve que la France a perdu, en matière agricole, sa poule aux oeufs d’or.
Des innovations insuffisantes
Continuer à investir en recherche et développement pour rester compétitif et ainsi faire face à la concurrence, c’est le défi auquel sont confrontées les entreprises françaises. Ce n’est pas chose aisée car les mutations technologiques s’enchaînent, ce qui se traduit par une obsolescence plus rapide des équipements. Les besoins d’innovation deviennent donc de plus en plus fréquents. Or, comme le montre le graphe sur les brevets déposés en France, leur nombre diminue régulièrement depuis quelques années (— 0,7 % en 2012), contrairement à ce qui s’observe dans le monde (+ 9,2 % pour la même période). En Europe, la progression a été de 3,2 % en l’Allemagne et de 4,4 % en Grande-Bretagne ; et dans les pays émergents, la hausse a été de 5 % au Brésil, de 3,9 % en Inde et de 2,9 % en Afrique du Sud.
Si la proportion des montants investis en R&D par les entreprises françaises reste stable par rapport à la valeur ajoutée qu’elles dégagent (environ 19 %), celles-ci font davantage appel au crédit pour financer leur recherche et leur innovation : leur endettement a crû de 33 % en à peine quatre ans… et pèse sur leurs marges. C’est le serpent qui se mord la queue : « Si les entreprises voient leurs marges baisser, elles diminueront leurs investissements », considère la CGPME. Or, comme le relève le Medef, les budgets de recherche des entreprises françaises sont déjà inférieurs de moitié à ceux de leurs homologues allemandes (23 milliards d’euros en 2010). Aussi faiblement armées — l’innovation prépare le chiffre d’affaires de demain —, comment résister ?
Les marges des entreprises au plus bas
Au troisième trimestre de l’année dernière, les marges des entreprises françaises ont battu un nouveau record à la baisse, atteignant 27,7 %, leur plus bas niveau depuis… vingt-huit ans (quatrième trimestre 1985). Dans l’industrie manufacturière, les marges sont descendues à 21 % en 2012....la suite sur Valeurs Actuelles.
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