Lors d’une interview accordée à la presse, Vladimir Poutine a fait valoir qu’il ne luttait pas pour la survie politique de Bachar al-Assad, mais que son rôle était d’œuvrer au respect de la loi. Cela veut dire que pour le Président de la Fédération de Russie, qui est juriste de formation, le respect de la loi est l’esprit absolu du droit international. Les Américains, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils se croient habilités à réviser la norme de l’intangibilité des frontières. Tout comme cet évêque du Moyen Âge auquel les croisés ont demandé comment distinguer les chrétiens fidèles de ceux qui ont failli, et qui a répondu indifféremment : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » Tout comme un grand nombre de justiciers qui voulaient imposer leur optique sans se soucier de l’opinion des autres.
dimanche 8 septembre 2013
Faut-il juger Bachar al-Assad ? Michèle Alliot-Marie livre son opinion
Michèle Alliot-Marie, Présidente du Mouvement politique « Chêne » d’obédience gaulliste, ancien ministre de la Défense, des Affaires Etrangères, de l’Intérieur et de la Justice, très proche de Jacques Chirac dans son passé glorieux et de Nicolas Sarkozy, nous raconte sa vision du rôle de la France que d’aucuns considèrent déjà comme un va-t-en-guerre. Nombreux sont les Allemands qui prennent Paris pour un agresseur sans scrupules, prêt à frapper n’importe qui – la Libye, la Syrie ou l’Afghanistan – en avalisant toutes les bourdes made in USA.
Voici ce que nous a confié dans une interview exclusive la dame qui, pendant des années, a tenu d’une poigne de fer le RPR et s’est vu confier des prérogatives régaliennes au sein du dispositif gouvernemental français.
Voix de la Russie. Madame Alliot-Marie, d’après vous, quel rôle pourrait jouer la France dans le règlement du conflit proche-oriental dont la Syrie est l’épicentre ?
Michèle Alliot-Marie. « En tant que gaulliste, je considère, bien sûr, que la France ne saurait se désintéresser d’une région du monde composée d’une vingtaine de pays avec lesquels il y a eu tant d’histoire et de liens. Elle ne saurait non plus se désintéresser de ce qui se passe dans un pays où depuis 2 ans et demi on compte 110.000 victimes. Alors oui, la France doit intervenir, mais la vraie question est de savoir comment elle doit intervenir - si c’est sur le plan militaire ou dans un domaine diplomatique. Il est évident que la France aurait dû intervenir sur le plan diplomatique depuis longtemps et d’une façon plus active qu’elle ne l’a faite.
Je pense notamment qu’il revenait à la France au sein du Conseil de sécurité de l’ONU puisqu’elle en est membre, au sein également de l’Europe en ayant des entretiens individualisés avec chacun des chefs d’Etat des pays européens, mais au-delà d’ailleurs essayer de trouver un point de vue commun. De ce point de vue, d’ailleurs, je pense que la France aurait dû s’appuyer sur les pays ou les personnes qui peuvent avoir de l’influence sur Bachar al-Assad. Et j’ai beaucoup regretté que les spécialistes dans notre pays snobent en quelque sorte, le président Poutine qui est quelqu’un qui connaît bien cette région et qui a une influence dans cette région et qui pouvait de par sa position justement obtenir de Bachar al-Assad une attitude qui soit plus conciliante, plus respectueuse de la Communauté internationale.
Je pense que c’est quelque chose qui est toujours possible et qu’il faudra it le faire. Parce que s’il doit y avoir une opération militaire, celle-ci pose énormément de questions. Quel serait le but de cette opération ? Est-ce qu’il s’agit de faire partir Bachar al-Assad ? Ce que l’on avait cru comprendre des propos de M. Hollande. Et M. Obama a dit que ce n’est pas du tout un des objectifs d’une éventuelle opération militaire ! Est-ce qu’il s’agirait de changer de régime ? Là aussi les Américains ont dit que ce n’est pas l’objectif qu’ils auraient poursuivi. Est-ce qu’il s’agirait de modifier l’équilibre des forces sur le terrain ? Là aussi, on a dit : non ! Alors à quoi peut rimer cette opération militaire ? S’il s’agit d’aller frapper les réserves d’armes chimiques, encore faut-il que l’on sache où elles se trouvent, quelles pourraient être les conséquences dans l’atmosphère de telles armes chimiques ? L’éventuelle intervention militaire pose la question de l’équilibre de cette zone extrêmement fragile où il y a déjà des conflits latents.
C’est vrai que moi, je ne suis pas aujourd’hui au pouvoir, donc je n’ai pas tous les éléments nécessaires, je pose des questions auxquelles jusqu’à présent le gouvernement français en tous les cas n’a pas répondu. »
VDLR. Dans une interview accordée à La Voix de la Russie, Martin Shultz, Président du Parlement Européen, a préconisé des représailles économiques qui pourraient faire pression sur Bachar al-Assad sans toutefois faire souffrir son peuple avec des frappes aériennes. Qu’en pensez-vous ?
Michèle Alliot-Marie. « Il est évident que l’argument économique a l’avantage d’éviter une guerre et je pense, en tant qu’ancien ministre de la Défense et ancien ministre des Affaires Etrangères, que ce n’est jamais de gaieté de cœur, que l’on peut déclencher une opération militaire. Donc, penser à une opération économique, c’est effectivement quelque chose qui paraît raisonnable.
Le problème dans ces opérations, et nous le voyons, par exemple, en Iran, où cela existe déjà de la part des Américains et de la Communauté Européenne, le problème c’est que très souvent les victimes ne seront pas les dirigeants eux-mêmes, mais surtout la population qui souffre déjà énormément de la situation actuelle.
Je pense que l’on peut essayer de creuser cette voie mais en ayant toujours à l’esprit qu’il faut éviter tout ce qui pourrait peser d’abord sur la population qui n’y peut rien plutôt que sur les dirigeants, mais un blocus, il faut voir sur quoi on peut le porter.
Par ailleurs moi je trouve qu’il y a une chose qui n’a été évoquée par personne et ce qui me surprend aussi, c’est qu’il y a également une menace de sanctions pénales ! Il y a une Cour internationale de Justice et je pense qu’il y a aussi un certain nombre de personnes qui peuvent faire comprendre à Bachar al-Assad que s’il y a des preuves de l’utilisation, en particulier, d’armes chimiques sur son ordre contre des populations civiles, il est passible de la Cour Pénale Internationale qui, un jour ou l’autre, finira par lui demander des comptes. Ca, je pense, c’est un message qu’il faut faire passer et que peut-être, justement ceux qui ont encore la capacité de dialoguer avec lui et je pense de nouveau au président Poutine, peuvent faire passer le message pour obtenir une attitude plus conciliante de la part de Bachar al-Assad. »
VDLR. Peut-on utiliser le G20 qui ouvre ses portes à Saint-Pétersbourg comme un forum international où l’on peut adopter une position internationale solidaire à l’égard de la Syrie ?
Michèle Alliot-Marie. « Pour connaître un peu le fonctionnement interne du G20, il est évident qu’il y a toujours l’ordre du jour officiel. Et le G-20 c’est aussi les occasions de rencontres directes et, par conséquent, des discussions entre les plus hauts dirigeants de la planète ! Et effectivement ce que l’on peut espérer, c’est que ce G-20 permette de faire disparaître un certain nombre d’équivoques et qu’il permette de mettre fin à des incompréhensions et, par conséquent, permette également d’avancer et peut-être de trouver une solution qui soit une solution à la fois raisonnable et efficace parce qu’il y a le problème syrien à considérer. Mais il faut voir aussi qu’il risque de servir d’exemple dans un sens ou dans l’autre, pour d’autres pays qui peuvent avoir des tentations de défier la communauté internationale. »
Commentaires de la rédaction. Un expert russe a bien eu raison de préciser que l’Occident a changé de rôle avec l’Orient. Si l’Occident se croit indépendant dans sa décision de frapper la Syrie, il se leurre. En fait, il joue le jeu des tyrannies proche-orientales dont le Qatar qui, avec l’Arabie Saoudite, manipule les Américains et les Français. Et bien sûr, les Occidentaux paieront les pots cassés le jour où l’islam, quelle qu’en soit la forme, leur présentera la facture qui pourrait s’avérer vraiment salée.
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