Michel Rocard préconise un report des départs en retraite et une baisse du temps de travail pour lutter contre le chômage.
Le chômage est en hausse continue depuis vingt ans et a repris son accélération, en dépit de la stabilité de décembre. La Cour des comptes suggère de baisser les indemnités des cadres, parmi les plus élevées du monde. Qu’en pensez-vous?
La première des urgences, c’est de faire baisser le chômage. Comme nous n’avons pas de croissance économique, la seule façon d’y parvenir est de réduire le temps de travail, c’est ce que Pierre Larrouturou et moi expliquons dans notre livre*. Ce sujet est un tabou. Je souhaite que la réflexion s’ouvre à nouveau. En France, les salariés travaillent en moyenne 36,5 heures par semaine, contre moins de 33 heures en Allemagne et moins de 31 aux États-Unis. Il faut y parvenir par la négociation, en réduisant les cotisations sociales des entreprises. Un chômeur embauché, ce sont des allocations économisées et des cotisations qui rentrent dans les caisses publiques.
Lorsque j’étais Premier ministre, j’ai réduit le déficit d’un tiers. Je n’ai jamais plaisanté avec ce sujet. Or la France est dans une situation terrifiante. La récession va s’aggraver, donc le chômage va augmenter. Il y a le feu. Regardez où en sont les moteurs de la croissance. La consommation est en panne à cause du chômage, l’investissement aussi puisque les perspectives sont nulles, les exportations sont en berne car l’Europe est en récession et la dépense publique est contrainte par l’objectif de réduire les déficits. Deux Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Paul Krugman, en sont venus aux hurlements. Ils nous demandent de ne plus appuyer sur ce dernier frein. Il faut expliquer aux marchés financiers qu’en poussant à la récession, ils risquent de ne pas récupérer l’argent qu’ils nous prêtent. Il faut donc un autre calendrier pour les déficits, des taux d’intérêt de la banque centrale très faibles – les États-Unis
Le gouvernement est acculé. Il n’a pas le choix. Aussi longtemps que nous n’aurons pas fait accepter à nos partenaires européens un ralentissement dans la réduction de la dette, nous serons sous contrainte. Les esprits commencent à bouger en Allemagne, où Angela Merkel parle à nouveau d’expansion. Mais ce mouvement est lent. S’agissant des réformes, elles doivent se faire par la négociation sociale, on l’a vu avec l’accord du 11 janvier sur le marché du travail, qui est une formidable innovation. La loi, elle, est un marteau-pilon, lourd et brutal.
Aller dans cette direction est dangereux et mauvais. L’amputation du pouvoir d’achat est imbécile, alors que le pays a besoin de davantage de consommation. La seule solution est d’allonger la durée de cotisation, d’aller peut-être jusqu’à 43 annuités. La France est le seul pays développé qui a fixé un âge de droit au départ à la retraite. La réforme Sarkozy a fait passer au forcing les 62 ans… C’est décoratif, cet âge n’est pas une limite physique, ni individuelle.
Il faut dire la vérité aux Français, le vrai calcul se fonde sur la durée de cotisations, pas sur un droit lié à un âge borné et inutile. En conséquence, on peut aller jusqu’à 65 ans. C’est vivement souhaitable, à tous points de vue. Il y a une mortalité forte juste après 60 ans car le travail maintient en forme. Et travailler plus longtemps résoudrait le sous-emploi des seniors. Ce serait un apport considérable.
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