Le ministre du Travail Michel Sapin, a affirmé que "la bataille contre le chômage ne se gagne pas en un mois, elle se gagne sur la durée". Pour remporter cette victoire, il faudra attendre cinq à dix ans, après des réformes coûteuses.
dimanche 27 janvier 2013
"La bataille du chômage ne se gagne pas en un mois", OK. Mais en combien de temps alors ?
Gilles Saint-Paul : En France, le chômage est structurel et dû aux rigidités du marché du travail. La question n'est pas tant de "créer des emplois", condition qui est satisfaite lorsque la conjoncture est favorable, mais de créer un contexte où le marché du travail est suffisamment "huilé" pour pouvoir accueillir les nouveaux entrants, garantir un retour à l'emploi rapide pour les chômeurs, et faciliter les réallocations de main d’œuvre qu'impliquent les innovations et les modifications structurelles de l'économie. Pour y parvenir, il faut des réformes courageuses et coûteuses à court terme, qui ne portent leurs fruits qu'après cinq à dix ans, une fois que les entreprises sont convaincues qu'elles sont dans un nouveau "régime" de politique économique.
La bataille du chômage sera gagnée quand ce-dernier n'excédera pas 8 % au plus fort d'une récession et tombera à 3 ou 4 % après un pic d'activité, mais aussi et surtout lorsque la durée du chômage ne dépassera pas en moyenne deux à trois mois et que la proportion de chômeurs de longue durée sera au-dessous de 20%.
Cet accord n'aura qu'un effet marginal. Les entreprises n'y gagnent qu'une plus grande flexibilité concernant la mobilité interne des salariés et l'ordre de priorité dans les licenciements collectifs, mais les coûts de licenciement ne sont pas réduits. En revanche les nouveaux droits et portabilités proposés aux salariés seront coûteux à financer et amoindrissent l'intérêt du crédit d'impôt décidé en novembre. Indirectement, une partie des gains de ce crédit d'impôt est transférée aux "insiders" déjà employés qui étaient assis à la table des négociations au lieu de se traduire par un coût du travail plus faible et donc plus de création d'emploi.
Enfin, la taxation des CDD nuira aux secteurs qui en ont le plus besoin. En l'état elle ne détruit que peu d'emplois mais cette mesure crée un précédent en instaurant une taxe spécifique qui sera à l'avenir un "curseur" supplémentaire sur lequel le gouvernement pourra jouer de façon discrétionnaire. Il en résulte une incertitude néfaste à la création d'emploi.
Paradoxalement, la France ne s'en tire pas trop mal pendant les crises, car les rigidités du travail, et notamment la protection de l'emploi, qui sont en moyenne néfastes pour l'économie, jouent un rôle de stabilisateur automatique (c'est pour cette raison qu'il est préférable de mettre en œuvre des réformes structurelles en phase d'expansion). D'autre part l'économie française est plus diversifiée que les économies espagnoles ou irlandaises, ce qui a également contribué à amortir la crise. La vraie question est de savoir si le tour de vis fiscal ne va pas entraîner une transition vers un nouvel équilibre nettement plus défavorable en termes de croissance et d'emploi que ce que nous avons connu jusque-là, et si la persistance des déficits publics et l'absence d'engagement sérieux sur une réduction des dépenses ne va pas entraîner une attaque des marchés contre la dette publique française suivie d'une spirale contractionniste.
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