lundi 28 janvier 2013
Le « pharaon »
Le « pharaon »
Deux ans après avoir chassé Moubarak du pouvoir, beaucoup d’Égyptiens se sentent floués. Des milliers de manifestants se sont retrouvés, hier encore, place Tahrir au Caire pour crier leur frustration. Ils craignent que la liberté dont ils rêvaient n’ait été remplacée par l’application insidieuse de la charia.
Le président Morsi tente de faire illusion, en répliquant que les manifestations des opposants sont des atteintes à la liberté. Selon les Frères musulmans, les opposants remettent en question les choix des électeurs qui ont validé, de scrutin en scrutin, leur programme. Un argument réfuté par ceux qui dénoncent la fraude électorale et les menaces sur la liberté de la presse ou sur les droits de la femme.
Aussi important soit-il, le débat politique est quelque peu relégué au second plan par les problèmes économiques. L’Égypte se débat dans une crise profonde. Le tourisme s’est effondré, et le reste de l’économie tourne au ralenti. Le gouvernement vient de décider une série de mesures destinées à relancer l’activité, notamment en taxant fortement les importations. Mais c’est surtout au plan alimentaire que la situation se complique. 55 % des aliments consommés par les Égyptiens sont importés. Or, les réserves monétaires du pays sont au plus bas.
La révolution égyptienne est née de l’union entre ceux qui aspiraient à davantage de démocratie et ceux, les plus nombreux, qui voulaient sortir de la misère. Les démocrates savent désormais qu’ils ont été trompés. Les pauvres risquent d’être les prochains déçus de la révolution, si le gouvernement s’avère incapable de leur donner du travail ou de les nourrir.
La déception des Égyptiens est à la hauteur de leurs attentes. Leur colère pourrait bien faire vaciller le pouvoir, mais celui-ci est largement à même de résister. Les Frères musulmans ont quadrillé le pays depuis plus d’un demi-siècle, et ils ont mis à profit leur arrivée au pouvoir pour renforcer leur puissance.
La récente tentative du président Morsi de s’adjuger des pouvoirs pharaoniques était un signal avant-coureur de l’instauration d’une nouvelle forme de dictature. Les Égyptiens ont déjà surnommé leur président le « pharaon », un surnom lourd de sens.
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