lundi 21 janvier 2013
L’affaire malienne
Au premier coup d’œil, on comprend qu’il s’agit d’une erreur monumentale.
Fallait-il intervenir ? Les commentateurs déclinent un même slogan : il fallait y aller. L’affaire est entendue. Un général clôt la discussion : « Peu importe, c’est fait ». C’est l’une des seules tribunes publiées sur le sujet dans la grande presse. Même la majorité des médias en ligne est conformiste. La torpeur des intellos de gauche est totale. Un intello de droite ne rachète pas la médiocrité d’ensemble en imputant l’existence d’AQMI à des questions de toxicomanie.
Il est de bon ton d’arborer la mine entendue d’une attitude « responsable ». Émettre des doutes serait presque passer pour un mauvais Français. Une lueur est discernable du côté de quelques journalistes (Guy Sitbon rappelle que même l’Algérie n’a pas pu triompher de l’islamisme armé) et de quelques outsiders politiques. Si Mélenchon est à côté de la plaque avec son néo-colonialisme, et Villepin avec sa dénonciation du néo-conservatisme, Giscard a tout compris en mettant en garde contre une guerre de reconquête.
Comme le note le Herald Tribune, il serait temps que l’armée malienne prenne une part active aux combats. Mais cette armée semble minée par la corruption. Chauffés à blanc par la population du sud et la peur ancestrale des ethnies du nord, certains soldats ne risqueraient-ils pas demain des réflexes revanchards ? Ces questions méritent d’être posées avant, pas après.
Donner moins de leçons
La prise d’otages en Algérie est dissociée par certains de l’affaire malienne (« ça n’a rien à voir »). Pour d’autres, elle est même censée prouver a posteriori le bien-fondé de l’interventionnisme. Le président de la République répète que « la France n’est pas seule » et estime que la prise d’otages en Algérie « justifie encore davantage » sa décision.
À cause de cette prise d’otages, il n’est maintenant plus possible de faire machine arrière au Mali. Mais il est encore temps de changer radicalement d’optique en se fixant désormais des buts limités : tenir un temps la ligne de front tacitement établie qui sépare le sud-Mali du nord et laisser la balle dans le camp des nations d’Afrique de l’ouest. Rester surtout le moins longtemps possible pour ne pas être forcé de plier bagages à la hâte comme les Américains en Somalie.
En l’état, les buts de guerre que la France s’est assignée (unité territoriale assortie de nation building) sont beaucoup trop ambitieux. D’autant que l’ennemi fait preuve d’une tactique coordonnée. On l’a sous-estimé à cause de ses sandales et burnous. Il y a soixante ans, un général français voulut « donner une leçon aux Nha Que », aux culs-terreux. Il se cassa les dents sur le stratège Giap.
Les satellites espions ne suffisent pas. Il n’existe certes pas de sanctuaire comme le massif montagneux de Tora Bora en Afghanistan. Mais il subsiste des possibilités de se fondre dans l’environnement. Ils ne sont certes pas nombreux. Mais il en viendra d’autres, car leur légende noire est déjà en route.
Persister ne serait pas productif, à moyen terme, tant au regard des intérêts de l’Occident que de ceux du monde musulman. Il faut cesser de vouloir « aller les chercher » pour les déloger de leurs bases arrières avant qu’ils ne s’enkystent, etc. Arrêter de les bombarder. Les laisser se démystifier et se déconsidérer. Leur livrer un peu la guerre de l’ombre, la guerre médiatique et la guerre psychologique suffirait. Chaque jour qui passe use déjà le crédit des islamistes modérés au pouvoir dans les jeunes démocraties arabes. Va naître le scepticisme sur l’idée que « l’islam est la solution » aux maux sociaux.
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