Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".
Vous revenez sur les propos attribués à Nicolas Sarkozy et selon lesquels il envisagerait lui-même son échec à la présidentielle. Votre parti pris : Sarkozy parle de défaite ? N'en croyez pas un mot ! Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
Le bon sens, d'abord, et l'expérience de ce que le vertige présidentiel produit sur ceux qui exercent la fonction. Aucun des prédécesseurs de Nicolas Sarkozy n'a jamais pu croire à sa propre défaite : ni Mitterrand ni Chirac, qui ont été au fond de l'abîme - mais qui ont bien été réélus ; ni Giscard, d'ailleurs, qui, lui, a été battu. Et on sait que s'il y a un trait de caractère qui domine chez Nicolas Sarkozy, c'est plutôt la confiance en soi que l'incertitude et le doute introspectif. Comme l'UMP lance, au même moment, une vague de tracts dans toute la France pour vanter son bilan, que lui-même parlera dimanche à la télévision et qu'il envoie une flèche par jour vers François Hollande, il faut plutôt parier qu'il y a de la manoeuvre, de l'intox dans l'air. C'est la stratégie de Volpone...
Pourquoi la stratégie de Volpone ? Que voulez-vous dire ?
Volpone, c'est cette pièce du théâtre classique où un marchand vénitien fait semblant d'être à l'article de la mort pour tromper ceux qui convoitent sa fortune. Nicolas Sarkozy est en train de faire la même chose. C'est vrai qu'il est en grande difficulté : il reste impopulaire, le chômage est très haut, la droite commence à douter. Objectivement, il a plus de chances d'être battu que d'être vainqueur. Il n'empêche qu'il ne renoncera à rien. Et sûrement pas à la ligne qu'il s'est fixée - et qui consiste à se montrer le plus possible en président et le moins possible en candidat. Laisser filtrer des propos sur son avenir après la politique, sur sa distance à l'égard du pouvoir, c'est utile pour peaufiner son autoportrait en homme d'État désintéressé ; et pour dramatiser le moment. C'est un signal pour mobiliser ses partisans et un coup pour déstabiliser ses adversaires.
Ça peut marcher ?
La mobilisation de son camp, oui - elle passe aussi par le retrait des autres candidats de droite (Villepin et Morin) et on sait que l'Élysée s'y emploie. La déconcentration de ses adversaires, c'est moins sûr. François Hollande est dans une bonne dynamique, il aurait tort de se laisser piéger. En fait, Nicolas Sarkozy joue sa meilleure carte - la dernière : il cherche par tous les moyens à renforcer sa stature présidentielle. Dans le sondage du Parisien/Aujourd'hui en France d'hier, c'est le seul point sur lequel il apparaît supérieur à François Hollande - et de loin.
Si je vous comprends bien, vous ne croyez pas au coup de blues du président. La presse se fait manipuler ?
Disons que certains médias se prêtent à la manipulation. Ces petites phrases citées dans les journaux, Nicolas Sarkozy les a prononcées en réalité devant un groupe de journalistes dans l'avion qui le ramenait de la Guyane, il y a quelques jours. C'était du "off" comme on dit : des propos que les journalistes peuvent reprendre sans dire que le président leur a parlé. Résultat : on fait croire que ce sont ses états d'âme que Nicolas Sarkozy a confiés à ses proches, alors que ce sont des confidences millimétrées distillées aux médias pour qu'ils les répètent. Donc, oui, il y a instrumentalisation. Comme quand François Hollande impose aux médias les images de son discours, avec les bons cadrages sur ses partisans et la salle en liesse, mais pas un gros plan sur Ségolène Royal qui boudait. Pendant la campagne, il va falloir faire attention à ne pas laisser le spectacle prendre le pas sur la réalité.
mercredi 25 janvier 2012
Sarkozy parle de défaite ? N'en croyez pas un mot !
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