TOUT EST DIT

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samedi 22 décembre 2012

Ces visionnaires qui ont fait mieux que les Mayas

Economistes, écrivains ou journalistes, ils ont anticipé de façon étonnante -et parfois involontaire- la situation économique actuelle. Florilège.

"L’immense catastrophe financière de ces temps derniers vient de prouver d’une façon définitive (...) que la probité est en train de disparaître." Cette phrase n'est pas l'énième complainte d'un "indigné" contre le monde de la finance. Elle a été rédigée par Guy de Maupassant et publiée dans le journal Le Gaulois, en 1882. Et l'écrivain poursuivait: "Voler dix sous est toujours voler; mais faire disparaître cent millions n’est point voler. Des directeurs de vastes entreprises financières font chaque jour, à la connaissance de la France entière, des opérations que tout leur interdit, depuis les règlements de leurs sociétés jusqu’à la plus vulgaire bonne foi." Nous sommes 130 ans avant l'affaire Kerviel...
Mieux que les Mayas, qui ont -à en croire les exégètes de leur calendrier  annoncé la fin du monde pour le 21 décembre 2012, d'autres esprits éclairés ont su décrire avec une indubitable prescience ces maux qui minent la société du 21e siècle. Ils sont économistes, journalistes, écrivains, chefs d'entreprise, voire dirigeants politiques. Et quand on relit leurs écrits, on est saisi par leur caractère visionnaire. Souvent involontaires mais toujours frappantes, ces "prévisions" accréditent la thèse selon laquelle l'économie n'est qu'un éternel recommencement. "Cela montre que certains aujourd'hui n'ont rien inventé", remarque malicieusement l'économiste Jean-Marc Daniel, qui a aidé Challenges à débusquer certaines de ces concordances à plusieurs décennies d'écart.
 Voir notre diaporama "Ils l'avaient prévu avant tout le monde..."
La crise, certains l'ont prédite avec quelques années d'avance, comme l'économiste Nouriel Roubini, surnommé "Dr Doom" ('Docteur Catastrophe") pour ses prévisions pessimistes. En 2006, dans un discours prononcé au FMI, il annonçait la crise des subprimes et la récession qui s'ensuivrait. De son côté, Milton Friedman, chef de file des économistes monétaristes, prévoyait dès 2001 la crise de l'euro en dénonçant les rigidités de la monnaie unique: "Si de la flexibilité n’est pas réintroduite, les membres de la zone euro connaîtront une série de chocs asymétriques, de graves difficultés économiques émergeront, qui créeront une conflictualité politique." Exactement le scénario qui se déroule sous nos yeux.
"Les Chinois fabriqueront bientôt tous les produits à meilleur marché que les blancs"
Mais certaines prédictions datent de bien plus longtemps. A l'heure de la peur des délocalisations et de la promotion du "made in France", on pourrait se reprocher de n'avoir pas anticipé ce que Jacques Novicow écrivait dès 1897 dans Le Péril jaune: "Les Chinois, les Hindous, les nègres se contentant d'un faible salaire, fabriqueront bientôt tous les produits à meilleur marché que les blancs; alors personne ne voudra plus acheter les articles des blancs.
Au-delà des prédictions, l'histoire économique est faite de flagrantes similitudes. Ainsi, le mouvement des "pigeons", ces entrepreneurs qui ont fait reculer le gouvernement sur les plus-values de cession en octobre, n'est que la réplique moderne d'une forme de contestation patronale bien éprouvée. Claude-Joseph Gignoux, qui présidait l'ancêtre du Medef en 1937, ne disposait pas de Twitter pour mener la contestation, mais il n'en a pas moins mobilisé les patrons pour défendre leurs intérêts face à la politique du Front populaire. Il a notamment publié un petit livre intitulé Patrons, soyez des patrons! dans lequel il appelait les chefs d'entreprise à défendre "le rôle qui est le vôtre, celui de l’organisateur de la production, qui court des risques et qui doit, pour cela, exercer une autorité effective".
Quant à la reculade de François Hollande face aux "pigeons", elle rappelle furieusement ce discours radiophonique de Léon Blum, le 13 février 1937, dans lequel le président du Conseil annonce une pause dans les réformes du Front populaire. Quelques semaines plus tard, il explique même au Parlement vouloir lutter contre le "préjugé défavorable du capital". Un numéro d'équilibre délicat.
Et que dire de La Grève, ce roman publié en 1957 par l'auteure américaine ultralibérale Ayn Rand, dans lequel des entrepreneurs mènent une fronde en se retirant dans un endroit secret pour montrer le délitement de la société en leur absence. Clairement dirigé contre la social-démocratie interventionniste, l'ouvrage a suscité un vif regain d'intérêt depuis le début de la crise aux Etats-Unis (c'est l'une des influences revendiquées de l'ex-candidat républicain à la vice-présidence Paul Ryan) et a été traduit en français l'année dernière.
The Economist tape sur la France depuis... 1851
Autre répétition amusante de l'actualité économique: l'attitude de l'hebdomadaire britannique The Economist à l'égard de la France. Si les polémiques se sont multipliées ces derniers mois, du fait de couvertures dénonçant "la France dans le déni" ou "la bombe à retardement" que serait l'Hexagone, le dénigrement ne date pas d'hier. En décembre 1851, après le coup d'Etat du futur Napoléon III, The Economist qualifiait la France de pays "inapte au compromis" dans un éditorial récemment exhumé par Jean-Marc Daniel sur BFM Business. Le journal jugeait par ailleurs la mentalité française "excitable, volatile, superficielle, exagérément logique", d'où le besoin de régime fort auquel répondra le Second Empire.
On pourrait multiplier les exemples. Les plus ambitieux remonteront jusqu'aux prophéties de Nostradamus. Charly Samson, auteur du livre Le véritable Nostradamus, soutient de façon très sérieuse que le médecin du 16e siècle avait prévu la crise actuelle, notamment à travers ce quatrain: "Le grand crédit d’or et d’argent l’abondance / Aveuglera par libide d’honneur / Cogneu sera l’adultère l’offense / Qui parviendra à son grand déshonneur." Il est facile de voir dans "le grand crédit d'or et d'argent" la dette dont "l'abondance aveuglera" et provoquera le "grand déshonneur". Plutôt que les Mayas, aurions-nous dû écouter Nostradamus?

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