vendredi 12 octobre 2012
Les paradoxes de la productivité
Les paradoxes de la productivité
Qu'est-il arrivé à l'emploi industriel de nos régions de l'Ouest,
elles qui ont perdu plus de 30 000 emplois entre 1998 à 2010 ? Pour
expliquer cette évolution, les raisons ne manquent pas : externalisation
des fonctions industrielles au profit des services, délocalisations,
perte de compétitivité face à une concurrence mondialisée, comme on le
voit dans la faillite de Technicolor...
Mais ces raisons ne rendent compte que d'une partie de la situation.
Car il est une autre raison, confirmée par maintes études concordantes.
Elle explique à elle seule 40 à 50 % des pertes d'emplois durant la
dernière décennie : c'est la croissance de la productivité, c'est-à-dire
du nombre d'objets produits par heure travaillée.
Ce phénomène découle de la diffusion accrue des progrès
technologiques : les usines sont pleines de robots, ordinateurs et
autres machines automatisées qui exécutent bien des tâches humaines. Le
résultat de cette diffusion, surtout quand la demande pour les biens des
secteurs concernés n'augmente pas, c'est une diminution des emplois
nécessaires. Qui n'a constaté la hausse impressionnante du nombre de
voitures, de tonnes de pétrole ou de bateaux produits sur tel ou tel
site, alors qu'en même temps, on assistait à un effondrement des
effectifs employés ? Le paradoxe de l'emploi industriel est que sa
réussite provoque progressivement sa disparition !
Tel fut, hier, le sort de l'agriculture dans l'Ouest. Elle
représentait 50 % à 60 % des emplois après-guerre. De nos jours, elle
n'en occupe directement qu'à peine 5 %. Pourtant, sa production n'a pas
baissé. Tel est, aujourd'hui, le sort de l'industrie de nos régions de
Basse-Normandie, Bretagne et Pays de la Loire : leurs effectifs ont
baissé de 7 % en douze ans, alors même que le volume de leur production
n'a cessé de croître...
Ce remplacement de l'homme par la machine s'accélère, surtout quand
les charges augmentent et la pression de la concurrence se renforce. Ne
pas réussir à y faire face, c'est transformer à terme la victoire d'une
croissance à forte productivité en tragédie sociale.
Dans le passé, on a régulièrement réussi à compenser la baisse des
emplois industriels par le transfert des personnels : soit vers les
activités de services, soit vers certaines activités traditionnelles qui
ont su se réorienter, soit vers des activités innovantes qui ont pu
émerger... Mais, aujourd'hui, ce passage d'une activité à une autre
s'opère de plus en plus difficilement : les services ne peuvent
absorber, du moins rapidement, tous les emplois industriels... Et bon
nombre d'activités d'avenir (énergies renouvelables, santé, économie
numérique, recherche...) ne vont probablement pas exercer sur l'emploi
les effets d'entraînement qu'on a pu espérer...
Certaines régions, certaines zones d'emploi, arrivent toutefois mieux
que d'autres à préserver leurs emplois industriels. C'est que leurs
activités se sont orientées vers des demandes vraiment porteuses ou
qu'elles ont su réussi à l'exportation... On aura beau vouloir « fermer
les frontières », « stopper les délocalisations », on n'évitera pas une
réduction des emplois manufacturiers ! C'est le destin de l'emploi
industriel de décliner sous la pression des gains de productivité qui
réduisent largement les besoins en travail
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