Qui pour diriger la droite ?
Principale formation de l’opposition, l’UMP va renouveler son équipe dirigeante – composée d’un président, d’un vice-président délégué et d’un secrétaire général – lors de son prochain congrès, les 18 et 25 novembre prochains. Il s’agit ni plus ni moins de trouver un successeur à Nicolas Sarkozy, dernier à avoir occupé le poste. Un poste resté vacant tant que ce dernier était président de la République, conformément aux statuts. Actuellement, cinq personnalités sont en quête des 7 924 parrainages nécessaires pour se présenter : Dominique Dord, François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, et Jean-François Copé, l’actuel secrétaire général, qui ne s’est pas encore déclaré mais a créé un « comité pour la candidature de Jean-François Copé » .L’enjeu de cette élection est crucial. François Fillon ne s’y trompe pas. Il a présenté ce scrutin comme « une primaire avant l’heure, qui donnera une vraie légitimité » au nouveau président dans la perspective de 2017. « Je ne suis pas candidat pour être secrétaire général de l’UMP, je suis candidat à la fonction qui était occupée par Nicolas Sarkozy », a insisté l’ancien premier ministre. Les sondages lui donnent pour l’instant l’avantage chez les sympathisants. Ce qui ne semble pas alarmer Jean-François Copé, puisque seuls les adhérents seront appelés à voter. L’actuel secrétaire général, qui n’a jamais caché son ambition pour 2017, fait cependant mine de déconnecter les enjeux en soulignant que le président élu cette année devra statutairement remettre son mandat dans trois ans, en 2015.
D’autant que certains avancent l’idée de monter effectivement en 2016 une primaire à droite, sur le modèle de celle organisée par le PS en 2011. Dominique Dord en fait même le principal argument de sa candidature. « Le nouveau président de notre mouvement devra organiser la primaire pour 2016 et non pas la préempter en 2012 », argumente le trésorier du parti.
Où en est le débat sur les valeurs ?
Dès le lendemain de sa défaite à l’élection présidentielle, l’UMP a mis en chantier un travail sur ses valeurs. Une façon de répondre aux critiques sur la « droitisation » de la campagne de Nicolas Sarkozy entre les deux tours. Dans la charte adoptée il y a dix ans, le triptyque « liberté, responsabilité et solidarité » avait été mis en avant. Rien de bien original, puisque le projet du RPR en 1984 s’intitulait déjà « Libre et responsable » .Pour réactualiser sa charte, Jean-François Copé s’est appuyé sur les nouveaux mots d’ordre « générosité, courage et fermeté » . Une synthèse en quelque sorte des différentes sensibilités internes : « générosité » pour l’aile gauche (souvent imprégnée de christianisme social) et « fermeté » pour l’aile droite, tandis que le « courage » renvoie aussi bien aux réformes libérales qu’à une qualité généralement attribuée à Nicolas Sarkozy.
L’UMP va également mettre en place des courants, dont la représentativité sera déterminée par un vote au congrès. L’enjeu de leur création est de faire en sorte que le débat d’idées s’épanouisse à l’intérieur du parti, et non entre celui-ci et une éventuelle structure concurrente. Il n’est toutefois pas sûr que ces votes internes clarifieront la ligne politique, puisque François Fillon comme Jean-François Copé bénéficient de soutiens hétérogènes. Réputé plus modéré, le premier a ainsi pour directeur de campagne le député Éric Ciotti, proche sans en être membre des positions de la Droite populaire. Tandis que le second est soutenu par l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, chef de file des « humanistes » (lire les repères) .
Malgré des parcours et des styles très différents, les deux hommes paraissent de toute façon aujourd’hui idéologiquement proches et revendiquent l’héritage de Nicolas Sarkozy. Au grand dam de Xavier Bertrand, qui aurait souhaité que François Fillon renoue avec le « gaullisme social ». Mais face à la menace du Front national, qui a confirmé son implantation aux dernières élections, il existe une forme de consensus pour défendre une droite qui « assume » ses valeurs, notamment sur la sécurité et l’immigration.
Quelle stratégie vis-à-vis du Front national ?
Le principal objectif de l’UMP d’ici à 2017, ce sont les élections intermédiaires. « L’enjeu de cette élection (NDLR : à la tête de l’UMP) n’est pas la désignation d’un candidat pour 2017, expose Bruno Le Maire dans une lettre aux militants. La future équipe dirigeante de l’UMP devra avant tout partir à la reconquête des territoires perdus dès 2014. » L’ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin propose notamment d’accorder « davantage de place et de moyens aux oppositions de droite dans les collectivités locales ».Même priorité pour Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a expliqué sur iTélé que « l’UMP a été construite beaucoup autour de l’élection présidentielle, ce qui en fait aujourd’hui un parti très centralisé » . Or, poursuit-elle, « une des raisons pour lesquelles on a perdu l’élection présidentielle, c’est qu’on avait perdu, les unes après les autres, toutes les élections locales. L’élection locale, c’est très important, c’est la mère des batailles. On regagne le cœur de la France commune par commune. »
Or, l’UMP se trouve désormais placée sous la pression électorale du Front national. François Fillon et Jean-François Copé ont exclu toute alliance avec la formation de Marine Le Pen, mais semblent diverger sur la stratégie à adopter en cas de duel de second tour entre la gauche et l’extrême droite. D’un côté, le « ni-ni » théorisé aux cantonales de 2011 par Jean-François Copé, c’est-à-dire, dans cette configuration, ni soutien au PS ni soutien au FN. De l’autre, ceux qui refusent de mettre sur le même plan la gauche et l’extrême droite, en particulier François Fillon et Nathalie Kosciusko-Morizet.
Quelle organisation ?
La création de l’UMP, en 2002, avait pour ambition de réunir au sein d’une formation unique toute la droite française. Dix ans plus tard, c’est un échec relatif. D’une part, l’UDF de François Bayrou en 2002 puis le Nouveau Centre d’Hervé Morin en 2007 sont restés en dehors. D’autre part, le Parti radical de Jean-Louis Borloo a quitté l’UMP l’année dernière. Même si ni l’un ni l’autre n’ont eu la volonté ou les capacités de présenter à la présidentielle un candidat de droite modérée face à Nicolas Sarkozy.L’enjeu pour le centre droit est donc maintenant de parvenir à s’unifier afin d’être en mesure d’entrer dans une « compétition-alliance avec l’UMP », selon l’expression de Jean-Louis Borloo. Bref, de revenir à une droite formée de deux pôles, comme auparavant avec le RPR et l’UDF. « Mieux vaut deux familles, alliées mais en compétition, qui proposent un projet global, qu’un parti unique, fracturé de l’intérieur, où c’est toujours la partie la plus à droite qui l’emporte », avait plaidé le chef de file des radicaux de droite dès le lendemain des législatives.
Une première étape a été franchie avec la création du groupe de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) à l’Assemblée nationale. Le rapprochement des appareils partisans s’annonce en revanche plus compliqué. Ni le Parti radical – doyen des partis politiques français créé en 1901 – ni le Nouveau Centre ne souhaitent en effet s’effacer.