La marque fondée par Steve Jobs a créé
avec l’iPhone un marché qui croît plus vite qu’elle ne peut le
satisfaire. Samsung saura-t-il en profiter ?
Les rumeurs au sujet du futur iPhone 5 se
multiplient ces derniers jours. Parmi elles, celle portant sur un écran
plus large approchant celui du Samsung Galaxy S3. De quoi relancer la
question à la mode : "Apple est-il autant à la pointe de l'innovation
que sous Steve Jobs ?".
Outre le fait qu’une rumeur chasse
l’autre et que la dernière en date voudrait au contraire que l’écran de
l’iPhone 5 soit plus réduit qu’annoncé initialement, qu’il nous soit
permis de remarquer avec un brin de malice que le questionnement à tout pour devenir un marronnier journalistique.
Ensuite, on fera remarquer que selon toute probabilité, c’est plutôt à
la diminution de l’épaisseur des smartphones à laquelle on devrait
s’attendre, comme l’abandon probable du port dock Connector qui date de
2003 semble vouloir le plaider.
Enfin, si l’on garde à l’esprit que le cycle de développement et de mise en place d’un produit Apple est d’environ deux ans, on
voit bien que Steve Jobs aura eu largement le temps de s’impliquer dans
les premières phases de développement de ce prochain iPhone, a
fortiori lorsqu’on sait que le développement des produits "designed by
Cupertino" commence par la détermination du design extérieur et du
facteur de forme.
La réponse à la question qui
ouvre cet article est donc formellement « oui », même si Apple n’en est
pas moins confronté à un certain nombre de difficultés structurelles
qu’il lui faudra pas mal de créativité pour résoudre. Sur le marché
du Smartphone en particulier, le californien est face à une
équation différentielle particulièrement ardue dont il ne maîtrise pas
tous les termes, et dont son concurrent Samsung n’est pas le moindre.
Un problème de taille critique, de fabrication et de distribution davantage que d’innovation
La base du modèle économique d’Apple repose en effet sur l’innovation et la prise de vitesse permanente de ses concurrents, avec
un tout petit nombre de modèles dont l’excellence ne laisse que peu de
prise à ses compétiteurs pour s’organiser, tout en dégageant des
marges fortes. Pour cela, elle s’était habituée depuis l’iPod à entrer
très tôt sur un marché prêt à démarrer, en identifiant un tout petit
nombre de composants-clés, qu’elle a achetait en masse à la fois pour
se différencier vis-à-vis de la concurrence, tout en la privant de
ces composants synonymes de banalisation. Cerise sur le gâteau :
les économies d’échelle procurés par les achats en masse et la place
de leader, procurant des marges fortes réinvesties dans la recherche
et développement.
Cependant, elle a créé avec l’iPhone un marché qui croit plus vite qu’elle ne peut le satisfaire, et
se retrouve avec Samsung face à un concurrent qui non seulement a fait
de la banalisation son principal point fort grâce à sa réactivité et à
sa maîtrise des composants, mais qui était en outre il y a peu son
principal fournisseur de composants. Le Coréen se réserve ainsi
l’essentiel de la production des écrans AMOLED, dont il est le leader.
De plus, le rythme de renouvellement chez Apple est bridé par son modèle
d’excellence, dans lequel en bout de chaîne se sont finalement les
mêmes équipes qui valident les produits. Elle est en outre dépendante
des opérateurs pour sa distribution, et en quelque sorte prisonnière du
faux rythme de 24 mois induit par la subvention sur le renouvellement
des terminaux.
Apple a d’ores et déjà commencé à réagir : en
présentant ses iPhones en septembre et non plus en juin, le californien
qui a amélioré ses capacités de production laisse d’autant moins de
temps à Samsung pour réagir avant la cruciale saison des achats de Noël.
En outre, il a entrepris à marche forcée d’élaborer lui-même la
quasi-totalité des composants dont il a besoin : Foxconn son partenaire
privilégié à ainsi par exemple investi massivement dans les écrans de
technologie IGZO que l’on devrait selon toute probabilité retrouver
dans l’ensemble de l’offre de valeur d’Apple, depuis l’iPhone jusqu’à
la future smart TV.
Enfin, c’est le marché
français qui pourrait une nouvelle fois servir de laboratoire à Apple
pour son modèle économique du smartphone, en
l’aidant
à se libérer de son modèle actuel en grande partie basé sur la
redevance qui lui est servie par les opérateurs sur chaque terminal,
opérateurs qui subventionnent également les terminaux auprès des
utilisateurs en récupérant ensuite leur mise sur les forfaits qu’ils
commercialisent.
C’était déjà le marché français
qui, après la rupture de l’accord d’exclusivité qui liait Orange et
Apple, avait permis de sortir du modèle économique initial de l’iPhone
–exclusivité en échange d’une redevance forte de l’opérateur – en
montrant que la présence chez plusieurs opérateurs permettait d’accéder à
un niveau significativement supérieur de parts de marché. Or, si Fleur
Pellerin l’excellente ministre de l’Economie Numérique décide de
s’attaquer au modèle de la subvention comme elle en a manifesté
l’intention, Apple sera bien obligé de sortir de son modèle de rente
pour explore l’inconnu.
Pas sûr que le californien
ait à s’en plaindre, alors que les opérateurs dont il dépend
actuellement pour sa distribution on au contraire tout intérêt au
contraire à mettre en avant ses concurrents…
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