mardi 29 mai 2012
Sommet social : Et réformer le syndicalisme, c’est maintenant aussi ?
Jean-Marc Ayrault reçoit ce mardi, un à
un, les représentants syndicaux et patronaux pour une première
concertation. Alors que les tractations autour de la succession de
Bernard Thibault à la tête de la CGT touchent au rocambolesque, c'est
tout le fonctionnement syndical français, archaïque et avorteur de
réformes, qui nécessite une refonte...
Les
laborieuses circonvolutions de la CGT pour accoucher d’un successeur au
secrétaire général du syndicat nous rappellent subitement que, le
brouhaha sarkozyste sur la réforme du dialogue social achevé, la nature
syndicale retrouve rapidement son immobilisme. Les méthodes d’un
autre âge reviennent au galop : choix décidés en dehors de la volonté
des militants, manœuvres d’appareil et conspiration de couloirs ont
raison de la démocratie.
Je relis les propos tenus par Najat Vallaud-Belkacem sur ce site, dans une interview publiée le 1er
mai : « il faut faire confiance aux syndicats pour faire les
nécessaires efforts d’adaptation de leurs modes de fonctionnement.» Et
je commence à craindre le pire pour les salariés de notre pays.
D’un côté, Bernard
Thibault n’a pas caché son soutien à François Hollande au deuxième tour
de la présidentielle. Pour notre Président attaché, dit-il, à une
manière différente de faire de la politique, ce soutien pourrait
aujourd’hui apparaître comme gênant. Est-on un réformateur
crédible, quand on compte dans son comité de soutien un secrétaire
général de syndicat qui, dans les trois semaines qui suivent l’élection
présidentielle, tente un tour de force pour imposer une candidature dont
la base ne veut pas, et pour écarter une candidature dont la base veut ?
D’un
autre côté, il reste ce syndicalisme sans adhérents ou presque, qui se
repose essentiellement sur le paritarisme et les subventions venues de
nulle part, partagées sans complexe avec les organisations d’employeurs.
Sur ce point, Najat Vallaud-Belkacem a aussi annoncé que le
gouvernement ferait l’impasse: les tentatives sarkozystes de réforme,
trop timides pour des raisons qu’on expliquera un jour, semblent
définitivement oubliées.
On
voudrait nous faire croire qu’il est aujourd’hui possible de faire
fonctionner un dialogue social d’avenir sur une scène vieille de 60 ans,
avec des acteurs à bout de souffle, financièrement dépendants d’un
système qu’ils devraient réformer. Mais qui pourrait croire que
ce système décidé à la Libération, essentiellement calibré pour les
Trente Glorieuses, pourrait s’attaquer efficacement aux défis d’un monde
radicalement différent?
Il
est évidemment commode, pour avoir la paix sociale et pour endormir les
consciences, de soutenir que le système inventé en 1945, avec des
syndicats absents des entreprises et présents dans de grands bidules
paritaires éloignés du terrain, est tout à fait adapté aux enjeux
contemporains. On peut soutenir que les dizaines de milliers de
syndicalistes que l’on occupe dans des organismes sans pouvoir de
décision (les caisses primaires de sécurité sociale, les organismes de
formation professionnelle, les institutions de prévoyance) pour les
éloigner des entreprises où les salariés ont besoin d’eux, sont une
ressource bien utilisée.
Maintenant,
si l’on n’est pas un professionnel de la politique obnubilé par son
élection puis sa réélection, on s’offre le luxe d’un discours de vérité :
il y a urgence à permettre aux vrais employeurs de ce pays de
pouvoir opérer des réformes internes en profondeur avec le soutien de
leurs salariés. Pour ce faire, rien ne vaut un dialogue social
construit et respectueux des représentants élus. Tous ceux qui ont testé
par d’autres voies se sont tôt ou tard cassé les dents sur des
réactions virulentes des salariés.
Autrement
dit, le relèvement salutaire de la France ne pourra se faire sans un
changement des pratiques de gouvernance au sein des entreprises (le
modèle allemand le prouve, qui est fondé sur une étroite collaboration
entre employeurs et salariés), et sans une remise en cause en profondeur
de cet édifice paritaire qui n’existe que pour donner l’illusion d’un
dialogue social au plus haut niveau.
On oublie trop souvent que les syndicats français vivent sur une loi vieille de près de 130 ans : la loi Waldeck-Rousseau, adaptée à une autre époque. Un chantier salvateur consisterait à la réformer sur deux points.
Premièrement,
il est temps de moraliser effectivement le financement des
organisations syndicales en leur appliquant le système qui existe pour
les partis politiques. Dans la pratique, il s’agirait de rendre
transparent les ressources qu’elles perçoivent en dehors de leurs
cotisations.
Deuxièmement, il est indispensable de séparer de façon étanche le syndicalisme de la fonction publique et le syndicalisme privé.
Une écrasante majorité de salariés dans ce pays ont besoin d’une voix
pour évoquer leurs difficultés. Et les fonctionnaires ne sont pas
qualifiés pour le faire. Pour le coup, la face de notre dialogue social
en serait véritablement changée.
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