Une récente étude américaine tend à
prouver une augmentation de l'hyper-richesse sur les cinquante dernières
années. En dehors du poncif sur les rémunérations indécentes des
traders et grands patrons, ne serait-ce pas plutôt l'inverse qui se
produit ?
De
s études américaines,
plutôt superficielles, tentent de démontrer que, de 1950 à 2008,
l'hyper-richesse aurait connu une accélération. Il est vrai que les
rémunérations mirifiques de certains traders ou de patrons de grandes
sociétés cotées tendent à accréditer cette thèse.
En réalité, ces études pèchent gravement par l'inadéquation de la période observée. Une
étude sur l'hyper-richesse ne se déduit pas d'un constat opéré sur 50
ans car ce délai est à peine celui au cours duquel elle se crée et se
consolide. L'hyper-richesse nécessite un délai d'observation d'au moins un siècle.
Depuis
1850, on assiste au contraire à un resserrement de l'éventail entre
l'hyper-riche et l'employé du bas de l'échelle sociale, sous le coup de
trois facteurs :
- Tout d'abord l'hyper-richesse est devenue principalement volatile alors qu'elle était d'essence durable aux 18/19e siècles.
L'hyper-riche moderne a plutôt bâti sa fortune sur la spéculation
immobilière ou sur le boom numérique que sur une solide aventure
industrielle ou commerciale. Moins de 20% des 100 plus riches de l'année
1990 se retrouvent dans la liste de 2010. Les héritiers y tiennent une
part très minoritaire. Il faut y ajouter les riches souverains d'Etats
pétroliers, dont la précarité de leur destinée politique n'est plus à
démontrer. En un mot, la richesse acquise par l'effet d'un seul cycle
économique ou par des méthodes féodales d’accaparement, survit rarement
au-delà du demi-siècle, ainsi que le constate régulièrement le
classement de "Forbes».
- Deuxième
facteur : le coût des biens et services qu'un hyper-riche peut s'offrir
s'est considérablement renchéri du fait de l'émergence d'une vaste
classe moyenne sur laquelle il s’appuie. Or, il y a 150 ans,
l'hyper-riche disposait d'une main d'œuvre quasi gratuite sinon
misérable. L'hyper-richesse d'un banquier du Second Empire, d'un
Maharadja ou d'un Rockefeller des années 1890, n'a rien à voir avec
celle de la plupart des hyper-riches "moyens" actuels qui peinent à
s'offrir un palais de 50 pièces ou leur Airbus personnel .
- Enfin,
l'apparition de l'impôt progressif à partir des années 1915 (il n'était
que proportionnel au 19e siècle, quand il existait) fragilise
notablement la consolidation et, à plus forte raison, l'expansion de
l'hyper-richesse. Rappelons que l'impôt frappe non seulement
l'acquisition de la richesse, mais encore sa persistance et même son
transfert. Du reste, on s'aperçoit que l'impôt suit le même cycle que
celui de la poule aux œufs d'or : il est en décalage par rapport aux
cycles économiques en ce qu'il frappe avec retard les résultats d'une
prospérité durable au moment où le retournement de conjoncture se fait
sentir (accélérant ainsi son déclin), tandis qu'il se fait plus discret à
l'encontre d'une prospérité déjà confirmée , de crainte de la casser.
Le cycle des politiques est rarement anticipatif. Il est essentiellement
réactif, donc tardif. Il n'est donc pas étonnant que l'hyper-richesse
devienne un sujet de préoccupation au moment même où elle tend à se
résorber naturellement sous le double impact économique et fiscal.
Par ailleurs, il existe deux niveaux au sein des super-riches : l'hyper-aisé et l'hyper-riche.
L'hyper-aisance,
qui concerne quelques dizaines de milliers d'individus autour de la
planète, comprend non seulement ceux qui ont des fortunes variant de
500M € à 3 MM € mais aussi des biens qui produisent au moins 10 M € par
an. Contrairement à une idée répandue, des individus
bénéficiant d'une fortune notable (on dit, le plus souvent, une fortune
"sur le papier") doivent d'abord faire face à des dépenses notables en
sorte que s'ils ne bénéficient pas de revenus nets élevés, ils ne
connaissent tout simplement pas l'hyper-aisance .
L'hyper-richesse
concerne à peine un millier d'individus dans le monde : hormis quelques
réussites emblématiques, rares sont celles qui survivent à leur
fondateur. L’exemple de Paul Getty, d'Adnan Khashoggi ou
d'Akram Ojjeh (chacun fut, en son temps, "l'homme le plus riche du
monde») nous rappelle leur essentielle précarité. On peut alors se
demander si l'hyper-richesse mérite une étude sociologique alors qu'elle
concerne si peu d'individus ? En fait, ce phénomène appelle une seconde
question : à quoi sert un hyper riche ?
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