mardi 29 mai 2012
Christine et les Danaïdes
Terre, monde de contrastes. Ou vice versa, tant les repères sont
parfois brouillés, à l’image des rapports paradoxaux entre Français et
Grecs. Ce week-end, les seconds ont tiré à boulets rouges sur Christine
Lagarde, qui les invitait à un effort collectif de solidarité fiscale,
et acclamé Sébastien Loeb, vainqueur du rallye de l’Acropole, mais qui a
son garage personnel en Suisse. La directrice générale du FMI s’est
exprimée, il est vrai, dans un style dont même la nature imprimée n’a
pas atténué la sécheresse. Rémanence de l’école sarkozyenne. Des
protestations se sont élevées, à Athènes et à Paris, pour dénoncer un
propos « caricatural ». Un de plus, faudrait-il dire, car la caricature
formate aussi les réactions hellènes qui renvoient la France à son passé
colonial, ou celles qui assimilent Angela Merkel aux forces
d’occupation nazies. Les formules à l’emporte-pièce réchauffent la
polémique, mais ne contribuent pas à résoudre les problèmes.
En
mai 2010, à hauteur de 20,3 milliards d’euros, le FMI avait accordé à
leur patrie ce qui était déjà qualifié de « plus gros prêt jamais versé
par le Fonds à un seul pays ». Et le 15 mars dernier, un nouveau plan de
28 milliards d’euros était mis en place. Record battu. On n’achète pas
avec cet argent le droit de s’adresser à nos amis et partenaires avec
hauteur. Mais le FMI ne se contente pas d’émettre ce que des Grecs
ressentent comme d’arrogantes leçons. À l’inverse, ne mésestimons pas
les efforts qu’ils font. Il y a deux mois, l’Europe avait crédité
Athènes de « progrès prometteurs » dans la récupération de huit
milliards d’arriérés d’impôts. Le fait que l’argent déniché ne
représente que 12 % du total montre néanmoins qu’il faut mieux faire,
quoique tout début soit salutaire.
En fait de repères brouillés,
la Grèce nous en offre aussi. Elle est la mère des démocraties. Mais
elle nous a aussi légué la légende du Tonneau des Danaïdes, cette jarre
percée que les cinquante filles du roi d’Argos, Danaos, ont été
condamnées à remplir aux Enfers pour avoir occis, telles des mantes
religieuses, leurs cinquante cousins et époux le soir des noces. Les
partenaires de la Grèce sont en droit d’exiger que ce mythe antique ne
soit pas la réalité économique de notre époque.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire