vendredi 25 mai 2012
La laïcité républicaine du président Hollande
Le
candidat Hollande ne nous l’avait point dit. A peine élu, le président
Hollande n’a pu s’empêcher d’en faire sa première proclamation et son
prioritaire engagement.
Il s’est fait élire en invoquant le triomphe du Front populaire en
1936 et la victoire électorale du socialiste Mitterrand en 1981.
Il n’avait pas parlé des lois républicaines de 1881 et 1882.
Mais à peine élu, il nous a révélé que pour lui « les vraies étapes, les plus sûrs repères de la marche du temps, ce sont les lois ».
Et de même, il s’était présenté sous le patronage de Jean Jaurès, de Léon Blum, de François Mitterrand.
Il n’avait pas mentionné Jules Ferry, auteur des lois de guerre civile qui ont asphyxié la France.
Devant la statue de Jules Ferry, il a salué « la plus belle de nos
ambitions nationales » : l’école de la République, qui est devenue
l’école de la laïcité.
Mardi
dernier, et encore jeudi, l’autre quotidien catholique parisien
s’efforce de rassurer ses lecteurs plutôt que de les mettre en garde.
Le mardi 22 mai, ce fut une page entière très apaisante, intitulée : « Comment François Hollande pratiquait la laïcité en Corrèze ».
Tous les témoignages recueillis sont admirablement concordants sur la
réserve, la discrétion du futur président à l’égard des questions
religieuses :
« Il respecte toutes les religions, sans en favoriser aucune, mais il respecte aussi la laïcité. »
« Il se montre aimable, avec toujours cet humour qu’on lui connaît. Mais très prudent, distant même. »
« On ne se souvient pas d’un seul discours dans lequel il ait
souligné ne serait-ce que l’effort culturel ou social de l’Eglise
catholique. »
« Il a toujours strictement appliqué la loi Debré, versant le même forfait aux élèves du privé qu’à ceux du public. »
« Il n’a jamais versé dans une posture de combat. »
« Son registre, c’est plutôt celui de l’humanisme, de la tolérance. »
Ce fut en somme le ton de sa campagne présidentielle. Il avait
cependant, lors de son discours du Bourget, lâché une allusion à « la
démocratie, plus forte que les religions », mais il s’en était fait
excuser par une démarche de son avocat auprès de « l’épiscopat », qui
d’ailleurs n’a eu aucune suite connue. Il y eut aussi quelques allusions
classiques à la « laïcité ». Mais personne ne pressentait vraiment,
chez François Hollande, la férocité criminelle du franc-maçon Jules
Ferry à l’égard du catholicisme jusqu’à ce que ce soit François Hollande
lui-même qui aille la donner en exemple et la prendre pour règle.
Et le jeudi 24, La Croix
y revient, cette fois en y mettant deux pages et un éditorial, autour
d’une déclaration d’Eric de Labarre, « secrétaire général de
l’enseignement catholique », qui « manifeste son intention de travailler “de façon positive” avec le nouveau gouvernement ».
Peut-être n’a-t-il pas entendu le discours d’hommage à Jules Ferry,
peut-être ignore-t-il qui pouvait bien être ce personnage. Avoir réalisé
le cercle carré d’une école « catholique non confessionnelle » était
déjà une performance. Il se dit prêt à faire mieux encore.
Le
terme abstrait de « laïcité », j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler,
n’a jamais appartenu au vocabulaire de la philosophie chrétienne ni à
celui de la théologie catholique jusqu’à la déclaration de Pie XII
sur « la saine et légitime laïcité ». C’était de sa part une annexion
audacieuse mais sans doute un peu imprudente. Dans tout l’univers
catholique on se mit à parler joyeusement de la laïcité comme d’une
notion « saine et légitime », sans s’apercevoir que Pie XII avait précisé : « la saine et légitime laïcité de l’Etat ». Or la laïcité républicaine est, en outre, la laïcité de l’école.
La laïcité de l’Etat, cela veut dire que normalement les dirigeants
politiques ne sont pas les évêques et que les préfets ne sont pas les
curés. Mais la laïcité de l’école veut dire l’école sans Dieu :
l’école ayant bâti, génération après génération, une société temporelle
qui a de plus en plus exclu Jésus de l’espace public et de l’éducation
nationale. Le président Hollande, en allant religieusement vénérer Jules
Ferry, ne s’est pas trompé d’adresse.
Et
cependant, le président Hollande a bien l’air de quelqu’un qui ne nous
dit pas tout sur son dessein profond. Car il est encore en campagne
électorale : il lui faut gagner aussi les législatives de juin. Quand ce
sera fait, il nous en dira davantage encore sur sa laïcité.
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