TOUT EST DIT

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dimanche 1 avril 2012

« L'affaire de Bruay-en-Artois », ou l'histoire d'un crime sans coupable

C'est une affaire que les moins de quarante ans ne peuventpas connaître. Et pourtant...Bien avant celle du petit Grégory, bien avant Outreau, l'affaire de Bruay-en-Artois a occupé l'espace médiatique comme aucun autre fait divers ne l'avait jamais fait auparavant. Au commencement, il y a un crime de sang. Celui d'une fille de mineur, Brigitte Dewèvre, retrouvée assassinée. L'adolescente a été étranglée, mutilée, son corps lacéré. En ce mois d'avril 1972, à l'ombre des terrils, l'affaire de Bruay éclate au grand jour... Récit d'une histoire extraordinaireà laquelle votre journal consacre demain un supplément exceptionnel.
6avril 1972. Le corps de Brigitte Dewèvre est retrouvé dans un terrain vague. L'affaire de Bruay-en-Artois vient de commencer... REPRO « LA VOIX »   

En cet après-midi du 6 avril 1972, le jeune Philippe Dewèvre, frère de Brigitte, découvre le corps dénudé et mutilé de sa soeur de 15 ans et demi, alors qu'il joue au foot avec ses camarades sur un terrain en friche du quartier du « 4 », à Bruay-en-Artois, au coeur du pays minier... Le terrain vague, jonché de détritus, est coincé entre la rue de la Comté, le coron de la famille Dewèvre, et l'imposant parc arboré d'une villa neuve appartenant à Monique Béghin-Mayeur, marchande de meubles bien née. Alertés par les enfants, les policiers se ruent sur place vers 17 h 45 et interrogent les premiers témoins.
La veille, à quelques mètres de la scène de crime, une infirmière qui rendait visite à ses parents a repéré une 504 blanche. Énervée par le sans-gêne qui lui a pris sa place, elle relève la plaque d'immatriculation. Le numéro conduit sans tarder les enquêteurs jusqu'à Pierre Leroy, notaire à Bruay. L'homme, un solide gaillard, est membre du Rotary club. Volontiers dépeint comme quelqu'un d'assez froid, il est surtout l'amant de Monique Mayeur depuis quelques mois... Le juge d'instruction Henri Pascal, de service le jour de la découverte du corps, le met sur le gril. Or Pierre Leroy peine à reconstituer son emploi du temps du 5 avril au soir et livre cinq versions différentes au magistrat instructeur béthunois. Ce dernier inculpe le notable sur la foi de son « intime conviction ». Le meurtre de Brigitte Dewèvre vire à l'affrontement entre les deux hommes... Journaux, radios, télévisions, les rédactions parisiennes dépêchent leurs journalistes. La meute s'empare alors de « l'affaire de Bruay-en-Artois ».
Dans un décor tiré du Germinal de Zola, les caractères s'entrechoquent au gré d'un véritable feuilleton. Une victime ingénue, un notaire notable, une maîtresse dont l'habitation cossue nargue le coron, un juge d'instruction bavard, le cocktail est détonant.

Énigme

Mis au parfum et flairant le bon filon, des militants d'extrême gauche se pressent bientôt au chevet de la ville en colère. Les « maos » de la Gauche prolétarienne voient là une occasion unique de guider le peuple jusqu'à la révolution quatre ans après Mai 68. Ils créent un Comité pour la vérité et la justice, soucieux d'imposer l'idée d'un « crime de classe » que le notaire, incarnation honnie de la bourgeoisie, doit payer coûte que coûte. Ça tombe bien, le juge Pascal milite pour une justice plus proche des gens. Ils seront ses alliés et nourriront son combat... Le 20 juillet 72, le « petit juge » qui peine à amasser des preuves, est sommé par sa hiérarchie de céder le dossier à un magistrat parisien. Le notaire est libéré. Il bénéficiera d'un non-lieu peu après. En 1973, coup de théâtre : Jean-Pierre Flahaut, un gamin du coron, s'accuse du meurtre. Mais stupeur, la famille Dewèvre refuse de se porter partie civile. Jean-Pierre, passé aux aveux en prison et chez qui les enquêteurs retrouveront pourtant les lunettes de Brigitte, sera relaxé au bénéfice du doute en 1976... L'affaire de Bruay-en-Artois, ou l'histoire d'un crime sans coupable, restera à jamais une énigme.

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