lundi 23 avril 2012
Il manquera 4% à Sarkozy au second tour parce qu'il a été trop mou, pas parce qu’il a été trop dur
Si le Président sortant ne l'emporte
pas au second tour, ça ne sera pas à cause des électeurs du Front
national qui se seront détournés. Les électeurs qu'il n'aura pas, ce
sont ceux de la droite libérale, déçus que le Président ait renoncé à
ses réformes dès la première grève des chauffeurs de taxi.
Entre le premier tour de 2007 et celui de 2012, Nicolas Sarkozy a perdu environ 4 % des voix.
On fantasme toujours sur les aller-retours de l’électorat du Front National. Personne
n’ose penser que ces 4 %, ce puisse être les Français de la droite
orléaniste, libérale, déçus que le premier Président élu en prenant le
parti de la mondialisation, de l’esprit d’entreprise, de la
responsabilité individuelle, ait si vite renoncé. La réforme
fiscale ? Disparue dans le va et vient pathétique du bouclier fiscal. La
libéralisation économique, vaillamment incarnée par la Commission
Attali ? Mise entre parenthèses dès la première grève des taxis, et
définitivement balayée par la crise financière et le retour, avec le
discours de Toulon de septembre 2008, à une rhétorique colbertiste. Le
rationnement budgétaire, symbolisé par le non-remplacement d’un
fonctionnaire sur deux partant à la retraite ? Négligeable, puisque la
dépense publique atteint aujourd’hui le niveau record de 56 % du PIB
(contre 45 % en Allemagne par exemple). L’immigration choisie ? La
circulaire Guéant l’a finalement remplacée par l’émigration forcée. La
protection des libertés individuelles ? Elle s’est abîmée dans le
fichier Edvige et autres recensements biométriques.
Là où les réformes eurent lieu, elles s’arrêtèrent à mi-chemin.
L’autonomie des Universités ? Il fallait la parachever avec la
possibilité de sélectionner les étudiants. La simplification
administrative pour les auto-entrepreneurs ? On attend toujours qu’elle
s’applique aux entreprises elles-mêmes. L’élévation de l’âge de la
retraite à 62 ans ? Elle est dans presque tous les autres pays de
l’Union Européenne à 65 ans. Le RSA ? Il n’a pas été complété par la
simplification du code du travail, second volet nécessaire de la
« flexicurité ».
Ces 4 %, ce sont ceux qui manqueront à Sarkozy au second tour. Pourtant, il
y eut en février un frémissement, quand la presse se fit l’écho d’une
rumeur persistante : le presque candidat Sarkozy aurait décidé de
s’atteler à une vaste réforme de l’Etat-Providence, et
proposerait de remettre enfin en cause le statut de la fonction
publique. Gerard Schröder, en visite à l’Elysée peu de temps auparavant,
aurait déterminé Sarkozy à entreprendre à son tour la réduction
drastique des dépenses publiques à laquelle l’Allemagne doit
essentiellement son succès actuel. Sarkozy aurait donc été prêt à
retrouver les accents libéraux de sa campagne de 2007. C’était
d’ailleurs la stratégie que lui conseillait The Economist au début de l’année.
Las ! Sarkozy recentra vite sa stratégie sur la droite conservatrice, condamna violemment le Financial Times et l’idéologie du libre-échange, et The Economist en fut réduit à constater « le déni français ».
Ce dimanche, au soir du premier tour, le candidat UMP se contenta d’un
discours fort triste sur la maîtrise de l’immigration, le renforcement
de la sécurité et la protection des frontières.
Sarkozy
avait promis de ne pas être, comme Louis XVI, le serrurier de
Versailles. Il l’imita pourtant en multipliant les réformes esquissées
et inabouties. Comme l’écrivait Tocqueville au sujet de la
France pré-révolutionnaire : « Le moment le plus dangereux pour un
mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se
réformer ».
Nous voici donc arrivés au moment le plus dangereux.
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