Il est temps, parce qu'on sent qu'un petit effet de mode est en train de surgir autour de Philippe Poutou : le candidat décontracté, souriant, qui n'a pas la grosse tête et qui n'hésite pas à dire qu'il n'avait aucune envie de faire campagne... C'est vrai qu'il a l'air drôle et gentil, mais on ne vote pas pour un candidat, parce que c'est un brave gars - sinon ni de Gaulle, ni Mitterrand, ni aucun président de la Ve République n'auraient été élus - sauf Chirac, peut-être, mais tout le monde sait qu'il était moins chaleureux qu'il en avait l'air. Le prédécesseur de Poutou, Olivier Besancenot, avait lui aussi une bonne bouille, mais c'était surtout sa conviction, son énergie qui frappaient. Philippe Poutou, lui, il a plutôt l'air d'avoir envie que ça se termine - il a dit qu'il avait hâte de retourner à l'usine. On doit pouvoir faire quelque chose pour lui...
Qu'est-ce qui le distingue de Nathalie Arthaud, qui elle aussi est une candidate trotskiste ?
Pas grand-chose. Marx disait : "Les prolétaires n'ont pas de patrie" ; en France, ils ont plusieurs partis - et on se demande bien pourquoi. L'histoire du trotskisme français est pleine de tensions, de dissensions et de scissions ; il faut vraiment être très initié pour y comprendre quelque chose. Le paradoxe, c'est qu'ils n'ont que le collectivisme à la bouche, mais qu'ils sont incapables de se rassembler. Philippe Poutou en appelle sans arrêt à la "riposte unitaire" contre les exploiteurs, mais il n'est prêt à s'allier avec personne. Par rapport à Nathalie Arthaud, disons qu'il dispose d'un capital de sympathie qu'elle n'a pas ; mais il a aussi peu de sympathie qu'elle pour le capital... Son projet, c'est : réquisitions, expropriations, séquestrations. Alors, c'est vrai qu'il n'a pas l'air d'y croire vraiment. Mais ça fait plutôt une raison supplémentaire de ne pas voter pour lui.
Est-ce que lui aussi n'est pas victime du phénomène Mélenchon ?
C'est l'évidence. À tort ou à raison, Mélenchon donne le sentiment qu'avec lui, il y a une perspective, un débouché politique pour une certaine gauche radicale. Il est à la fois lyrique et solide. Philippe Poutou, lui, n'est ni l'un ni l'autre. C'est un candidat d'extrême gauche extrêmement gauche. On sent bien que, dans la dictature du prolétariat, il préfère le prolétariat à la dictature. Il revendique le slogan "travailler moins pour gagner plus" - c'est audacieux et moins fatigant que le stakhanovisme. Et il promet que, s'il était président, il supprimerait la présidence. Ça revient à une sorte d'appel au vote... inutile. Vous pensiez que choisir Philippe Poutou, c'était un vote rouge ? En définitive, c'est plutôt comme une sorte de vote blanc. Sauf que ce sera comptabilisé. Mais ça ne servira à rien non plus.
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