mercredi 14 mars 2012
Présidentielle : la farce des parrainages
A trois jours de la date butoir – vendredi 16 mars – pour le dépôt
des signatures servant de sésame aux candidats à l’élection
présidentielle, Marine Le Pen vient d’obtenir le sien. Elle en a fait
l’annonce officielle mardi après-midi à Hénin-Beaumont. Son directeur de
campagne, Florian Philippot, dit avoir lancé, en apprenant la nouvelle,
un « grand ouf de soulagement ». Dimanche dernier Marine Le Pen
s’inquiétait encore : « Si on rate ce sera à deux ou trois signatures près (…) C’est une hypothèse que je ne peux pas exclure. » Une
incertitude que laissaient planer les défections de dernière heure et
les rejets de certains parrainages, non homologués par le Conseil
constitutionnel.
Pour les candidats à la course présidentielle, 500 promesses « ric
rac » de signatures ne suffisent pas. Il faut en effet prévoir, pour
être tranquille, un matelas de soutiens autographiques d’au moins 520
cautions. C’est ce que semble avoir obtenu la candidate du Front
national. Le pouvoir sarkozyste était dernièrement revenu sur l’attitude
d’indifférence hostile qu’il affichait les mois précédents quant à
l’empêchement ou non de la candidate frontiste à la compétition
élyséenne… « Il serait normal qu’elle soit présente dans la compétition qui s’ouvre »,
assurait la semaine dernière Claude Guéant, fidèle « voix de son
maître » en pareilles circonstances. Et tout le monde avait compris que
Marine Le Pen aurait ses signatures. Sans elle, l’élection
présidentielle, en privilégiant un vote porté par le ressentiment et la
colère des électeurs de droite, aurait effectivement changé de visage…
Pour autant, la sélection des 500 signatures, instaurée en 1981 pour
« éliminer les candidatures marginales » qui avaient tendance à se
multiplier, continue de faire débat. A l’heure actuelle, cet alibi ne
tient plus. Il est non seulement contredit par les faits, mais aussi
tourné en dérision par eux.
La preuve par Cheminade
Outre les difficultés rencontrées par Marine Le Pen, des candidats à
la candidature ayant assumé des postes politiques importants, comme
Hervé Morin, Christine Boutin, Corinne Lepage et plus encore Dominique
de Villepin, se sont heurtés ou continuent de se heurter à cette
barrière des parrainages. Les deux premiers ont jeté le gant pour se
rallier en une volte-face précipitée à Nicolas Sarkozy. Corinne Lepage
continue sa quête sans grand espoir d’aboutir. Mettons entre parenthèses
Dominique de Villepin qui paraît de plus en plus erratique dans ses
déclarations. On ne sait trop où il en est… Le sait-il lui-même ?
Cherche-t-il une négociation avec Nicolas Sarkozy ? Ou souhaite-t-il
continuer à l’embêter le plus longtemps, même si capacité de nuisance
est aujourd’hui bien diminuée ? En tout cas des personnalités ayant
occupé des postes de ministre, voire le premier d’entre eux, ne peuvent
pas être rangées, même si les intentions de vote qu’elles représentent
sont infimes, dans la catégorie des farfelus irresponsables. Or, les
trois premiers candidats à avoir déposé leurs cinq cents parrainages au
Conseil constitutionnel – Nathalie Arthaud, Jacques Cheminade et
Philippe Poutou – évoluent précisément tous trois dans les marges,
parfois glauques, de notre vie politique. Bien sûr, les deux
trotskistes, représentants d’un communisme résiduel, ont dû bénéficier
en dernier ressort d’un coup de pouce du PS, découvrant qu’il y avait
urgence à entamer le score en hausse de Mélenchon de deux ou trois
points. Mais comment expliquer qu’un Jacques Cheminade, 70 ans,
président d’un fantomatique parti Solidarité et Progrès, fonctionnant
comme secte ultra-confidentielle, ait obtenu son quota de signatures et
même au-delà, décrochant ainsi le même temps de parole à la radio et à
la télévision que les grands candidats représentant des millions
d’électeurs ? Cet énarque, ancien fonctionnaire au ministère de
l’Economie, a de plus un passé plutôt trouble. Condamné en 1992 « pour
vols au préjudice d’une personne âgée », il le sera de nouveau en 2004
pour « diffamation publique ». Il est aussi l’ami, l’émule et le
représentant en France d’un « polémiste et homme politique américain »
un peu particulier, le très sulfureux Lyndon Larouche, « notoirement
connu pour ses propos antisémites » et également condamné par les
tribunaux américains pour « escroquerie financière et fraude fiscale ».
Les deux hommes « ciblés » depuis longtemps par le FBI pour « dérives sectaires » sont des adeptes des thèses conspirationnistes
plus ou moins délirantes. Jacques Cheminade fut pourtant déjà candidat
en 1995 (0,28 % des suffrages). Le voici prêt à récidiver, avec la
garantie en bonne et due forme de ces cinq cents parrainages. Un système
qui peut exclure d’anciens ministres ou gêner une Marine Le Pen, mais
pas un farfelu comme le disciple français de Lyndon Larouche. Ce système
est absurde : la preuve par Cheminade ! Mais il convient si bien à
l’UMPS !
Sarkozy rattrape Hollande ?
Nicols Sarkozy va-t-il réussir à « renverser la table » comme il
l’avait annoncé ? En tout cas à six semaines du scrutin présidentiel, un
sondage place pour la première fois le président candidat en tête des
intentions de vote au premier tour, devant François Hollande. Selon
cette enquête réalisée par l’Ifop pour Europe 1, Paris-Match et
la chaîne de télévision Public Sénat, le chef de l’Etat serait crédité
de 28,5 % (+ 1,5 %) d’intentions de vote contre 27 % (- 1,5) à François
Hollande. Nicolas Sarkozy, en mettant en cause comme il l’a fait
dimanche à Villepinte (voir Présent d’hier) le libre-échangisme à
tout va de l’Europe et les accords de Schengen, portes grandes ouvertes
à l’immigration, va-t-il récupérer à son profit le thème de la
mondialisation qui inquiète tant nos compatriotes ? Cela relèverait un
peu, de sa part, de la captation idéologique. Mais en ressortant, face à
cette Europe passoire, le thème du protectionnisme, dont beaucoup de
Français sont de plus en plus demandeurs, il a incontestablement marqué
des points. Mérités ou pas. Cette remontée dans les sondages constitue
évidemment un « choc psychologique » favorable pour ceux qui le
soutiennent, et en premier lieu pour le candidat lui-même : « Il est
dopé par le rassemblement de Villepinte, et par les sondages qui sont
enfin encourageants », confiait en souriant un de ses proches. Il est
vrai que le chef de l’Etat s’emploie depuis la semaine dernière à
saturer l’espace médiatique de sa présence.
Lundi soir il était encore l’invité sur TF1 de Laurence Ferrari pour
l’émission « Paroles de candidat » où il est longuement revenu sur
l’ultimatum qu’il avait lancé dimanche aux « technocrates » de Schengen
et sur sa proposition d’un « Buy European Act » (voir dans Présent
d’hier). Nicolas Sarkozy a notamment évoqué le général De Gaulle qui, à
la fin des années soixante, avait imposé durant toute une année la
politique de la chaise vide pour refuser la règle de la majorité dans
les délibérations du Conseil des ministres de la CEE, que nos partenaires voulaient substituer à la règle de l’unanimité. La « politique de la chaise vide » ? Chiche !
Lundi soir Nicolas Sarkozy n’a pas seulement parlé de l’Europe. Il a
aussi annoncé qu’il souhaitait mettre en œuvre l’imposition universelle
des citoyens, dispositif fiscal permettant de taxer les nationaux sur
tous leurs revenus, « y compris à l’étranger ». Les Etats-Unis sont le
seul pays au monde, « avec les Philippines qu’ils ont administrées de
1898 jusqu’à leur indépendance en 1946 », à imposer les revenus de leurs
citoyens partout dans le monde, sur le seul critère de leur
nationalité. Une spécificité américaine, d’ailleurs contestée par
beaucoup d’économistes aux Etats-Unis, dont Nicolas Sarkozy veut
s’inspirer. Comme d’ailleurs du Buy European (dont l’adoption
serait effectivement très souhaitable)… C’est l’un des paradoxes de
cette campagne : Sarkozy « l’Américain » va désormais chercher aux
Etats-Unis, non plus des recettes d’économie libérale, mais des mesures
plutôt coercitives pour complaire à son électorat populaire…
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